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Depuis quelque temps, Jérôme Bel a pris le pli de l’écologie en gardant à l’esprit le sens de l’économie. Ainsi, en 2019, cette figure de proue de la non-danse a décidé que sa compagnie ne prendrait plus l'avion. En attendant une alternative au kérosène, il demande à ses interprètes de voyager en train, y compris pour effectuer des trajets dépassant la dizaine d’heures, et oubliant au passage que ce mode de transport recourt à l’électricité nucléaire. La comédienne française Valérie Dréville, pour les Danses pour une actrice, la création du chorégraphe, se prête volontiers au jeu de la parcimonie, voire de la frugalité.

 

Droits d’auteur

Commençons, pour changer, par le prologue de la pièce. De manière émouvante, la comédienne, fille du réalisateur de La Nuit des adieux (1965), superproduction franco-russe qui était dédiée à la danse, et plus particulièrement à l’amitié entre Tchaïkovski et Petipa, nous fait une démonstration de pas classiques appris aux cours de danse de Pierre Schwartz, à Pontoise, entre 1968 et 1973. N’ayant pas froid aux yeux - « La peur ne me fait pas peur » dit-elle dans la vidéo de promotion du spectacle -, elle ne tombe ni dans le ridicule ni même dans l’amateurisme. Sa version du Prélude d’Isadora Duncan, d’abord en silence, puis sur la musique du Prélude n° 7 de Chopin diffusé sur smartphone amplifié, nous a paru aussi vibrante que celle qu’en donna Élisabeth Schwartz l’an dernier dans la pièce Isadora Duncan de Jérôme Bel. Valérie Dréville ne vise jamais à reproduire mais à vivre l’instant théâtral. Naturellement, par son talent expressif, elle donne le change du début à la fin.

Avant ce final, nécessité faisant loi, plusieurs solos et extraits de ballets ne sont pas reconstitués sur scène mais plutôt évoqués ou racontés par la comédienne, auteure de fait du texte, avec l’alibi de l’improvisation. C’est le moment du show où, selon nous, le bât blesse, là où le texte dit eût, faute de grive ou de danse, mérité d’être écrit. Dans ce best of, les œuvres présentées se suivent et ne se ressemblent pas : Le Sacre, dans la version de Pina Bausch, Huddle de Simone Forti, l’hommage à Kazuo Ôno dans un pastiche du metteur en scène, la séquence hilarante, gardée pour la bonne bouche, inspirée de la chorégraphie de Gene Kelly pour le musical Singin’ in the Rain. Bausch a droit à une deuxième citation, son art relevant et du théâtre et de la danse : Valérie Dréville nous restitue le tragique solo de Café Müller sur l’aria de Didon et Énée de Purcell. La question du copyright alors se pose. En montrant sans les montrer ces danses juxtaposées en playlist, en les décrivant à la manière d’un bonimenteur de cinéma muet japonais (dit benshi), voire de commentateur de match de foot sans images façon Yoann Riou, journaliste de la chaîne L'Équipe, on fait dans le conceptuel. Et, on épargne également les royalties qui seraient à verser aux ayants droit !

 

> Danses pour une actrice (Valérie Dréville) de Jérôme Bel du 6 au 16 octobre à la MC93 à Bobigny ; du 19 au 26 novembre à la Commune Scène nationale d'Aubervilliers ; du 2 au 4 décembre à la Comédie de Valence centre dramatique national Drôme - Ardèche ; les 14 et 15 avril au Théâtre Sorano à Toulouse

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