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Présenté face aux bancs de la Sorbonne dans l’amphithéâtre Richelieu, le Traité des passions de Grand Magasin n’a pourtant rien de strictement pédagogique. La leçon n’a pas grand chose de chorégraphique non plus et n’est pas tout à fait un acte de théâtre. Elle n’est pas récitée par cœur par des auteurs-interprètes qui n’hésitent pas à recourir à un cahier bleu d’écolier faisant office d'antisèche. Cette phobie du trou de mémoire est expliquée, au passage, pour des raisons biographiques. Pascale Murtin mentionne l’accident de bicyclette qui la priva temporairement de toutes ses capacités langagières, dont elle se remit grâce à un exercice vérifiant la concordance des mots et des choses par des étiquettes. La question du nom se pose alors, qu’il s’agisse de trouver celui pouvant s’appliquer incontestablement à la chose ou de l’opération qui consiste à nommer. Cette matière, depuis 1982, Grand Magasin a maintes fois eu l’occasion de la travailler en se penchant sur langage en général, sur la langue française en particulier. 

Au cours de ce cours de grammaire étrange ou  étrangère, le duo se questionne aussi sur le statut de son art, qui n’est ni de la danse, ni à proprement parler de la performance. Selon des linguistes comme John L. Austin pour qui « dire, c’est faire » le mot pourrait pourtant s’appliquer à leur démarche. D’autres la rapprocherait du stand-up et des talk-shows. Dans le cas qui nous occupe, non seulement la dimension ludique l’emporte sur l’apparence didactique, mais nous dépassons aussi le champ dérisoire des jeux de mots, qu’ils soient d’auteur ou d’esprit.

 

Traité des passions de Grand Magasin p. Nicolas Villodre

 

La leçon continue, parmi les réjouissances au programme on retiendra le procédé mnémotechnique qui, grâce à l’acronyme FFOMECBLOT, permet d’énumérer les caractéristiques de l’art du camouflage militaire : Fond, Forme, Ombre, Mouvement, Eclat, Couleur, Bruit, Lumière, Odeur, Traces. On est également bluffé par la négligence stylistique assumée d’une parabole d’origine chinoise : « Par-dessus le mur de mon jardin, on peut apercevoir deux arbres. Le premier est un jujubier. Et le second est un jujubier également ». On retiendra aussi l’image de Pascale Murtin écrivant en majuscules sur le tableau destiné à ce cours magistral un graffiti somme toute banal mais authentique : « Jennifer pute gouine ».

Le Traité des passions s'entrecoupe de chansons interprétées par l’auteure s’accompagnant au ukulele et par son alter ego jouant sur un piano à queue traînant là comme par hasard. Que Pascale Murtin et François Hiffler soient troubadours, grammairiens, linguistes ou lexicologues, peu nous chaut, pourvu qu’ils poursuivent leur étude sérieuse qui a tout d’une récréation.

 

> Traité des passions a été présenté les 12 et 19 novembre à La Sorbonne

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