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Dans l'ambiance ouatée d'un sanatorium dix-neuvièmiste, les neuf protagonistes de l'Institut de la solitude globale entrent tièdement sur un plateau ensablé. Chichement vêtus de leurs costumes de bain, les corps s'agitent autour d'un bassin à peine plus grand qu’une baignoire, et apparaissant d'autant plus modeste qu'il est entouré de sièges aux allures de complexe olympique. Tout affairés à l'absurde, et fidèles au loufoque qui fait la patte du Blitz Theatre Group, les personnages se divisent en patients et soignants d'une maladie à la définition confuse.

Une insolente, toute contrainte par la rééducation d'une cage de métal, passe aux confessions : parfois, c'est vrai, les autres l'insupportent. Impossible aveu pour ce lieu sain où le collectif est impératif de bien-être: la patiente devra donc, avec ses congénères, travailler sans relâche à la proximité, au contact et à l'effusion. Pour cela, exercices de postures et de récitation sont exécutés sous l'œil attentif du personnel soignant et plus encore de la communauté. Sur des sièges contorsionnés – produit imaginaire d'un designer freudien pétri de Kubrick – ces jeunesses Instagram appliquent le programme thérapeutique du vivre-ensemble, sans que jamais cette fameuse communauté affirmée en chœur et sous contraine n’apparaisse.

Dans son rythme lent et linéaire, le Blitz Theatre Group fait voir plus fort encore l'égarement de ses personnages, reproduisant hébétés les directives qui abondent de l'autorité, à savoir un médecin en longue blouse, doublé d’une voix off qui cadence les journées. Dans un paysage glaçant, où ne pénètre jamais la lumière naturelle autrement qu'à travers un coin de verrière, les patients de l'Institut, et le personnel avec eux, dépérissent sous nos yeux, belles plantes ici trop empotées. Les bonbonnes d'oxygène, amassées en fond de scène, achèvent d'évoquer les dérives hygiénistes du siècle passé.

Avec l'Institut de la solitude globale, le trio grec poursuit son œuvre théâtrale à forte densité philosophique et fait une fois de plus voir son talent à transposer sur le plateau des paysages mentaux ultra-lucides sur les maux les plus contemporains. Armés de leur lotion magique comme aux abords d'une barre de métro, les jolies pousses de cette farce cynique s'éteignent faute d'espace et de liberté, laissant alors le jour se lever à nouveau. L'aube, motif déjà central dans la création précédente du Blitz Theatre Group, fait encore ici l'objet d'une quête utopique. Force est pourtant d'admettre que l'Institut de la solitude globale, tout en bousculant les plus crédules, risque bien – pour avoir été annoncée comme la dernière création du trio – de laisser sur leur faim quelques sceptiques déjà convaincus.

 

> Institut de la solitude globale du Blitz Theatre Group a été présenté les 8 et 9 février dans le cadre du festival Reims Scènes d'Europe

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