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À l’Opéra Bastille, c’est dans un cadre noir dénudé et sur un plateau vide, que se rejouent Les Indes Galantes composé par Jean-Philippe Rameau en 1735 : un invraisemblable opéra-ballet en quatre tableaux et un prologue aux énergies communicatives. On y perçoit seulement un large cercle, sorte de volcan sous-terrain d'où surgiront de nombreuses surprises. Dirigée avec enthousiasme par le chef d'orchestre argentin Leonardo García Alarcón et mise en scène par Clément Cogitore, un plasticien formé à l’École des Arts décoratifs de Strasbourg et au Fresnoy-Studio national des arts contemporains, la pièce réunit un ensemble synergique comme on en voit peu dans le spectacle lyrique, un espace artistique davantage réputé pour son individualisme.

 

 

Durant les trois heures du spectacle, le collectif formé des musiciens, chanteurs, danseurs et acteurs donne une leçon de savoir-faire et de cohabitation à un public vibrant, à en juger par les applaudissements qui couvrent la fin du spectacle. Ceux-ci remercient, entres autres, un chœur splendide et des solistes aux voix jeunes et généreuses, où se distinguent le baryton Alexandre Duhamel et la soprano Julie Fuchs. Tous ont accepté de se plier aux nombreuses exigences d'une mise en scène plasticienne qui cite particulièrement la peinture (notamment les tableaux de Guillaume Bresson) et qui place des musiciens sur le plateau, des choristes avec le public et des solistes en situation de danseurs. Tous acceptant les exigences physiques des chorégraphies de la rue, inhabituelles en cet endroit, de Bintou Dembelé. La formidable chorégraphe-danseuse, issue du hip hop, produit avec la complicité de la compagnie Rualité qu'elle a fondée en 2002, des séquences chorégraphiques splendides aussi inédites qu'adaptées aux situations narratives. Elle parvient à donner une dignité à un récit décousu que le librettiste Louis Fuzelier a situé dans les exotismes niais, colonialistes et dominateurs propres à son siècle.

Les gestuelles urbaines faites de rage et de jouissance, que l'on ne voit que trop rarement où alors dans de brèves citations dans ce type de spectacle, sont ici au cœur de l’opéra. Elles expriment la puissance de la vie et font chaud au cœur. La réussite de la mise en scène de Clément Cogitore tient à cette volonté d'associer sur scène un puissant mélange de cultures qui affirme la richesse de la diversité donnant à cet opéra un souffle contemporain. L’artiste aime à répéter que son travail consiste à créer du commun, là où il n'y a que de l'altérité. L'accueil enthousiasme que lui a fait le public ne peut que le rassurer.

 

> Les Indes Galantes, mes par Clément Cogitore, jusqu’au 15 octobre à l’Opéra Bastille, Paris

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