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C’est une femme en veste camouflage, la sucette pendue aux lèvres, pensive ou hébétée. Elle porte une casquette « Stop Killing People » et brandit un panneau sur lequel on peut lire : « Don’t forget white women voted for Trump ». Derrière elle, trois jeunes femmes blondes perchées sur un muret dominent les manifestants. Elles portent le « pussyhat » rose bonbon de rigueur ce jour-là ; l’une d’elles est en plein selfie victorieux. Cette photo, jaillie du déluge d’images de la Million Women’s March qui rassemblait trois millions de manifestants au lendemain de l’investiture du 45e président des États-Unis, a propagé sa houle sur les réseaux sociaux. Clivant pour les uns, essentiel pour les autres, le message d’Angela Peoples, la femme au panneau, renvoie à une réalité piquante : 53% des femmes blanches ont voté pour Donald Trump aux dernières présidentielles.

Pour Tokumbo Bodunde, spécialiste des discriminations faites aux femmes de couleur, ces 53% signent une trahison. En votant massivement pour Donald Trump, les femmes blanches ont choisi leur race avant leur genre. « On les a tellement gavées d’idées suprématistes qu’elles ont fini par oublier qu’elles piétinaient leurs intérêts et leurs droits fondamentaux. Elles entretiennent de l’intérieur ce système d’oppression. » La jeune femme, enseignante et chercheuse, martèle la table du doigt pour appuyer les chiffres de la défense : elles étaient 94% d’Afro-Américaines et 68% de Latinos à soutenir Hillary Clinton.

Une scission d’autant plus flagrante que le « black feminism » vit aux États-Unis une période très médiatisée. Michelle Obama vient de passer huit ans dans la bien nommée Maison Blanche à dompter l’opinion publique. Alicia Garza, Patrisse Cullors et Opal Tometi, militantes des droits civiques, sont à l’origine du mouvement Black Lives Matter. Les chanteuses Nicki Minaj, Rihanna, Beyoncé, ou sa sœur Solange Knowles, renouvellent les canons de beauté. Pendant que les réalisatrices Shonda Rhimes (Grey’s Anatomy) et Ava DuVernay (Selma) bousculent le régime hollywoodien, la comédienne Viola Davis résumait, sur la scène des Emmy Awards : « La seule chose qui sépare les femmes de couleur de n’importe qui d’autre, ce sont les opportunités. [...] On ne peut pas gagner un Emmy pour des rôles qui n’existent pas », rappelant qu’en 2015, 78% des personnages de femmes à la télévision américaine étaient blanches, contre seulement 13% d’Afro-Américaines.

 

 

« Du seul fait de leur présence dans ce pays, nos arrière-grands-mères esclaves devaient déjà se battre pour survivre. Nous avons toujours été fortes, présentes et engagées. C’est notre visibilité qui change. » Engoncée dans un coin du Paris-Dakar, croissanterie des quartiers gentrifiés de Brooklyn, Tokumbo Bodunde passera l’interview la main distraitement posée sur sa lecture du moment. Sa Bible ? Évincées : la criminalisation des filles noires à l’école de Monique W. Morris. L’essai raconte une des nombreuses formes de discrimination que subissent, aux États- Unis, les femmes de couleur. « L’oppression commence très tôt. Les jeunes filles noires sont perçues et considérées comme des femmes depuis l’enfance. On les juge pour leurs tenues, leur langage, leurs coiffures. On les responsabilise, on les exploite. C’est une forme d’irrespect généralisé qui vient autant de l’environnement familial ou immédiat que de la société elle-même. » Victimes à la fois de sexisme et de racisme, les Afro-Américaines mènent depuis toujours un combat parallèle au féminisme traditionnel. En 1851, l’abolitionniste Sojourner Truth prononçait « Ain’t I a woman ? », une diatribe qui taclait à la fois les hommes opposés au droit de vote et les femmes blanches, pour que, dans leur lutte pour l’égalité, elles n’oublient pas leurs « sœurs noires », écrasées par l’esclavage et la ségrégation.

 À cette double peine ethno-genrée s’ajoute la discrimination de classe : en 2011, un foyer noir était en moyenne 90% moins riche qu’un foyer blanc. Ces trois facteurs ont des répercussions directes sur la vie quotidienne de ces femmes : « Prenons l’exemple de l’idéal féminin. Je ne corresponds pas aux critères de beauté de cette société. Même si je ne suis pas obsédée par mon apparence, cette exclusion a des conséquences économiques. C’est désolant, mais l’attractivité physique est une source évidente de "privilèges" professionnels ou sociaux. En tant que femme noire, je dois trouver les moyens d’exister dans un monde qui me prive de cette promesse-là. » Au lycée, où elle apprend à ses étudiants à utiliser le langage, l’écoute, la lecture et l’écriture pour appréhender leur époque, Tokumbo Bodunde s’appuie régulièrement sur les textes de Beyoncé et sur les livres de Toni Morrison, éditrice opiniâtre de grands auteurs noirs avant d’être à son tour récompensée, en 1993, du prix Nobel de littérature, et dont l’œuvre documente autant qu’elle déconstruit les vies possibles dans un pays accroché à ses principes monochromes.

 

Le pouvoir empathique du Verbe

 L’Œil le plus bleu, premier roman de Toni Morrison, est un classique des rayons de la « Free Black Women Library », une bibliothèque itinérante qu’Olaronke Akinmowo promène une fois par mois dans les rues de Brooklyn, du parvis de la Concord Baptist Church aux pelouses de l’Afropunk Festival. En écho à la campagne #SayHerName dédiée à la mémoire des femmes noires victimes de violences policières, cette scénographe a commencé en 2015 à récolter des ouvrages de référence de la littérature afro-américaine féminine. Elle pensait rassembler une centaine de bouquins et décrit dans un grand rire pailleté les quelque 600 ouvrages qui jonchent le sol du deux pièces qu’elle partage avec sa fille.

Alors que les réseaux sociaux saturent d’histoires tragiques, Olaronke Akinmowo veut sortir des discours univoques pour rappeler à ses compatriotes qu’elles regorgent de ressources, de créativité et d’héroïsme. Contrecarrer les stéréotypes – culturels, sexuels ou sociaux – en offrant des récits de traverse. Autant de compagnies stimulantes ou réconfortantes, d’alternatives aux visions déterministes et réductrices des femmes afro-américaines telles qu’elles sont majoritairement représentées, ou ignorées : « Je ne me reconnais pas dans les médias ou les divertissements mainstream. L’Amérique a beau se gaver de culture noire et nos artistes remplir des stades, nous restons quotidiennement victimes de violences, actives ou passives. La bibliothèque, c’est politique bien sûr, mais c’est aussi spirituel. Un lecteur est toujours en quête de mots qui résonnent intérieurement, qu’il s’agisse de soins capillaires, de croyance religieuse, de problèmes financiers ou de schémas amoureux. Comment s’engager sentimentalement dans une société machiste et raciste ? La peur et l’amour peuvent-ils cohabiter ? Pour une femme noire, lire d’autres femmes noires est une source d’informations précieuse. »

Pour les autres aussi. En 1998, dans La Parabole des talents, dystopie projetée en 2032, la romancière de science-fiction afroaméricaine Octavia E. Butler prédit une Amérique agonisante, renouant avec l’esclavage et le fanatisme religieux. Sa population, misérable et terrorisée, porte au pouvoir un chrétien fondamentaliste, xénophobe et raciste. Son slogan de campagne ? « Make America great again ». Présage orange amer. Aujourd’hui, la pythie méconnue des lettres américaines, disparue en 2006, revient en librairies. Olaronke Akinmowo mime des guillemets dubitatifs pour évoquer la victoire de Trump. Elle se console en espérant que cette catastrophe réveille les consciences et cite la liste des incidents recensés les jours suivant l’élection : « Une femme s’est pris un coup de poing à Brooklyn, des swastikas ont été peintes sur des églises du Sud des États-Unis, des enfants latinos harcelés à l’école… Plus personne ne peut prétendre que le racisme n’existe pas. Les gens vont enfin retirer leurs œillères. »

 

« L'attractivité physique est une source évidente de " privilège ". En tant que femme noire, j'existe dans un monde qui me prive de cette promesse-là  »

- Tokumbo Bodunde

 

À quelques kilomètres de là, la taille haute cintrée dans une jupe longue, perchée sur une paire d’escarpins rétro, Glory Edim s’avance avec la grâce hiératique d’une héroïne victorienne. Transats en lin blanc cassé, bibliothèque à l’ancienne, pudding aux graines de chia : Glory Edim travaille chez Kickstarter. L’entreprise, doyenne du financement participatif, chantre du management doux, est installée dans une ancienne usine de crayons. L’anecdote la ravit. En 2012, elle fondait justement un cercle de lecture, le « Well-Read Black Girl » [well-read se traduirait par cultivée, instruite – Nda]. Romances, essais, science-fictions, témoignages : n’importe quoi, pourvu qu’il soit signé de la main d’une femme noire. Comme Olaronke Akinmowo, Glory Edim déplore la sous-représentation des écrivains afro-américaines. Loin des feux médiatiques, leurs œuvres éclairent pourtant la vie de leurs lectrices : « Nikki Giovanni, poétesse new-yorkaise, Maya Angelou ou Bell Hooks, intellectuelle et militante féministe, ont eu un impact essentiel sur la construction de mon identité. »

Contrairement à la « Free Black Women Library », le club de Glory est exclusivement réservé aux femmes. C’est la fameuse « safe place », notion clé du vocabulaire de défense des minorités. À New York, elle se signale dans les lieux publics et se revendique dans la sphère privée sous forme d’autocollants, de badges ou de hashtag. Pour les personnes sujettes aux discriminations, c’est la promesse du respect de leurs différences. Glory Edim ajuste son afro millimétrée et s’explique d’une voix veloutée : « La vie d’une femme, et a fortiori d’une femme noire, est une lutte permanente. Je voulais créer un espace de confiance et de sécurité où nous pouvons évoquer nos problèmes sans avoir à nous justifier. Les discussions ne sont pas les mêmes lorsqu’elles sont interrompues par une opinion masculine. »

 

Alchimie de la résilience

Le genre et l’origine suffisent-ils à rassembler ces littératures sous un ADN commun ? Qu’est ce qui rapproche L’Année du oui, manuel de développement personnel de Shonda Rhimes, créatrice de la série Grey’s Anatomy, de la vie sacrifiée de Precious, l’héroïne tragique de Push ? Glory Edim s’absorbe dans une moue sceptique. Elle aimerait répondre sans tomber dans les flaques fangeuses de la classification : « Il y a autant de formes que de sujets. Mais ce qui rapproche les lectrices davantage que les œuvres, c’est un sentiment qui relève du "Black Girl Magic". » La formule, haka 3.0, fait fureur sur Instagram et Twitter, et légende pêle-mêle des beautés callipyges, des photos de famille ou des réussites sportives. C’est un concept symbolique : « Black Girl Magic est un message de fierté. C’est pour ne pas oublier la fougue et l’énergie qui nous animent en dépit des injustices qui nous sont faites. C’est pour célébrer l’éclat de nos rires et le balancement de nos hanches. La littérature, avec ses destins individuels et universels, nous connecte à ces énergies. »

 

« Monter sur une scène de spoken word pour parler d'un viol en pleurant c'est le score assuré, mais c'est une forme de manipulation »

- Roya Marsh

 

Black Girl Magic ? Olaronke Akinmowo, la femme aux 600 livres et autant de remèdes, se méfie de l’effet placebo : « L’idée est bonne, mais le "Black Girl Magic" ne protège pas des violences domestiques ou sexuelles, de la discrimination au logement ou des médecins qui vous négligent parce que vous n’avez pas les moyens de vous payer une assurance. » À défaut de pouvoir déballer toute sa « Free Black Women Library » à chaque évènement, elle jongle entre les thématiques : religion, science-fiction, poésie, autobiographie. « Ces livres sont aussi là pour nous rappeler que la femme afro-américaine n’est pas un monolithe. Notre expérience est très différente selon qu’on soit originaire de Louisiane, des Caraïbes, de Baltimore ou du Nigeria. Black Girl Magic, c’est la part commune à toutes ces identités noires. »

L’œuvre littéraire d’une femme afro-américaine doit-elle pour autant s’affranchir de son genre et de ses origines ? Attablée dans un Starbucks du Bronx, Roya Marsh refuse de consommer et parle en fixant son smartphone. « Faggot », « For Colored Dykes », « Revolution », « Forgiveness », « Gentrification » : les titres de ses poèmes font office de présentation. « Je suis une femme, je suis noire et je suis lesbienne. En Amérique, ce sont trois facteurs de discrimination. En tant qu’artiste, le fait d’être issue d’une minorité opprimée est voué à nourrir votre travail. L’écriture est un acte de résilience. » L’émancipation, c’est pour ceux qui n’ont rien à dire. William Faulkner, Henry James, Hemingway, James Joyce ou Marcel Proust écrivaient-ils au-delà de l’horizon de leur vécu ? La veille, elle remportait à l’unanimité la finale d’un concours de spoken word, discipline déclamatoire à mi-chemin entre la poésie et le hip-hop. Dans l’auditorium bondé du Bric, centre d’art de Brooklyn, le public termine ses phrases. Elle parle de la violence du père, de l’homophobie des rappeurs, de l’hypocrisie de l’Église, des macchiato caramel qui remplacent les barquettes de poulet frit dans les rues blanchies de Brooklyn. La salle acquiesce à l’unisson. Réminiscence de messes gospel.

Les yeux revolver derrière sa paire de Ray-Ban, son bomber kaki zippé jusqu’au cou, Roya Marsh n’a rien des clichés glamour du Black Girl Magic. À 28 ans, elle a déjà raflé toutes les médailles de sa discipline. Du haut de son podium, elle a une vue d’ensemble sur la situation : « Nous sommes plus nombreuses qu’avant sur le terrain qui nous est dû, c’est sûr. Mais un homme qui vient faire les louanges de nos combats aura toujours plus de succès que notre témoignage direct. C’est comme un blanc qui s’engage contre le racisme. Tout le monde y voit un acte progressiste. En vérité, il étouffe la voix des personnes concernées. C’est de l’appropriation. »

Dans le cas du spoken word, Roya Marsh déplore malgré tout une tendance à l’escalade dramatique qui dénature son art, elle dont les poèmes sont écrits à même la chair : « Monter sur scène pour parler d’un viol en pleurant, c’est le score assuré, mais c’est une forme de manipulation. Le spoken word, c’est avant tout un ensemble de techniques littéraires et gestuelles qui nous permettent de transformer nos tragédies en triomphes. »

 

« Black Girl Magic est un message de fierté, pour célébrer l'éclat de nos rires et le balancement de nos hanches en dépit des injustices qui nous sont faites »

- Glory Edim

 

Si Roya Marsh n’a jamais douté de son homosexualité, c’est seulement à l’université qu’elle a compris ce qu’être noire veut dire. « Je venais d’un endroit où tout le monde me ressemblait, vivait dans les mêmes conditions que moi. » Boursière, elle quitte son Bronx natal et le petit appartement de sa famille nombreuse pour un campus d’étudiants blancs. Elle trime pour un diplôme qui lui donnera accès à un meilleur niveau de vie. Autour d’elle, les élèves ont grandi dans des maisons, ils roulent déjà en Porsche. « Ce n’était pas qu’une différence de couleur de peau. C’était économique, social, familial. » Elle fait pour la première fois l’expérience des « micro-agressions », un mal sournois que l’Amérique postraciale préfèrerait ignorer, mais une routine quotidienne pour les personnes issues de minorités. À l’époque, Roya Marsh ignore encore ce terme, pas ses effets : « La micro-agression, c’est quand les gens s’étonnent que je préfère Shakespeare au poète noir-américain Langston Hughes. Ou lorsqu’ils sont surpris que mes huit frères et sœurs soient nés des mêmes parents, lesquels sont encore en couple. Plus classique, quand on vous demande si vos cheveux sont vrais, ou s’ils peuvent les toucher. La plupart du temps, ils n’ont même pas conscience d’être agressifs. L’écriture m’a aidée à prendre suffisamment confiance en moi pour oser rendre les gens responsables de leurs paroles. »

 

 

À l’heure où l’histoire du racisme aux États-Unis n’est toujours pas enseignée à l’école, ces femmes, à travers leurs œuvres, sont les dépositaires d’une conscience collective. Page après page, elles écrivent un corpus qui témoigne, multiplie, sublime ou dénonce, dans l’espace et dans le temps, l’expérience de leur condition. Là où la société refuse d’affronter ses failles, le langage du roman hérite du devoir de mémoire. Après un master de création littéraire, où elle fut l’assistante de l’écrivain irlandais Colum McCann, Kaitlyn Greenidge publiait en 2016 We Love You, Charlie Freeman. Son roman met en scène, sur fond de dérives eugénistes, une famille noire qui accueille un chimpanzé pour les besoins d’une expérience scientifique. Le sujet, elle l’a choisi dans la continuité de son master d’histoire : « Je ne me suis jamais dit "tiens, je dois faire un roman pour dénoncer le racisme". Les écrivains parlent de ce qu’ils connaissent et de ce qui les touche. En l’occurrence, j’ai toujours eu de l’intérêt pour les questions raciales. Tout le monde devrait en avoir. » Elle prépare un deuxième roman mais travaille toujours à plein temps. « J’ai grandi dans un milieu très modeste. Je tiens à mon assurance maladie, à la sécurité d’un revenu fixe. La vie d’artiste bohème, c’est un privilège que je ne peux pas me permettre. »

Dumbo, le quartier relooké des docks, s’étale entre les pattes du Brooklyn Bridge et jette des vues sensuelles sur la skyline qui lui fait face. Kaitlyn Greenidge s’enquiert auprès du serveur des horaires de l’happy hour et commande un deuxième cocktail. Autour d’elle, toutes les tables sont blanches. Elle évoque le mythe littéraire new-yorkais, capitale intellectuelle des États-Unis, et Toni Morrison, dont la lecture serait plus utile aux touristes que la visite de la statue de la Liberté.

Saluée par le New York Times, Kaitlyn Greenidge fait désormais partie d’une scène émergente et médiatisée, mais refuse la médaille empathique. Pour elle, le moment est venu de reconnaître ces œuvres pour d’autres qualités que leurs vertus thérapeutiques ou la couleur de leurs plumes : « En deux ans, plus d’une vingtaine d’écrivains noires ont été publiées. C’est une excellente nouvelle pour la communauté, mais il ne faut pas négliger la qualité de ces auteurs. Ce sont elles qui renouvellent les formes de la littérature américaine. »

 

« I get what you meant by projects. You move me in, stigmatize me, raise rent, kick me out, then whitewash my hood with some hipsters and coke bottle glasses and chewed up converse that will clutch their purse when I walk by tighter than a church mother holds their Bible. »

«When a stranger calls me a black dyke nigger bitch, I don't know where to insert comma, or know which words does the least damage, because that is the one I will turn into compliment or think it a blessing, they left me alive enough to hear it. I must be lucky. »

Roya Marsh, extrait des poèmes « Gentrification » et « Faggot »

 

 

Texte : Salomé Kiner, à New York

Photographies : Yusuke Miyagawa, pour Mouvement

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