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Petter Jacobsson et Thomas Caley ont un savoir-faire tel que nous n’avons à aucun moment senti la quarantaine de minutes que dure leur opus Record of ancient things. Sur une musique électro du musicien Peter Rehberg - qui a collaboré à plusieurs œuvres de Gisèle Vienne - et sous un éclairage étonnant d’Eric Wurtz, la danse s’écoule calmement. Vingt-trois danseurs développent avec aisance une suite de gestes, d’événements et d’actions.

Pour ce qui est de la scénographie, rappelons que le duo maison travaille, depuis des années déjà, sur la notion de transparence. Les effets lumineux faits de deux lampes à incandescence reflétées sur des pans de gélatine, quoique purement abstraits, donnent une sensation de chaleur. Derrière un habillage scénique translucide de filtres neutres, la petite foule de danseurs transite par des coulisses virtuelles en apparaîssant par intermittence. Le plateau est ainsi mis en vedette, évoquant la galerie des glaces et ses illusions d’optique, ou le dispositif chinois millénaire, magic mirror, que les chorégraphes ont choisi de citer.

 

Monstre sacré

Les anges dont il est question dans Transparent Monster de Saburo Teshigawara, seconde pièce de la soirée, ne manquent ni d’ailes, ni d’air. Ils disposent de tout le plateau de l’opéra, mais l’auteur a préféré compartimenter celui-ci en différents cercles de lumière qui aimantent, tour à tour, les membres du trio masculin vêtus couleur de chair pour deux d’entre eux, et peint tel un Schtroumpf en bleu-vert pour le troisième. Dans cette parabole sans parole, les projections lumineuses au sol peuvent faire songer aux reflets de phares d’automobile, à des poursuites de cabarets, ou à un ciel de pleine lune.

Mais ce ring de danse circulaire, se transforme aussi en estrade de boxe ou en tatami de sumo. S’engage alors un corps à corps sans contact. Les deux combattants se toisent torse nu et affichent des intentions qui ne seront pas tenues. Comme dans la plupart des solos du chorégraphe Japonais, seuls les membres supérieurs s’agitent. La chorégraphie, en crispations tend leurs bras et leurs épines dorsales, et fait du surplace. Une variété rythmique parcourt les corps, agite ou fait agir les danseurs, contraints ou forcés.

 

Transparent Monster de Saburo Teshigawara p. Laurent Philippe

 

Conduite automatique

La troisième pièce, signée Thomas Hauert, est une création risquée car elle fait la part belle à l’improvisation. Le chorégraphe helvète a fait travailler garçons et filles sur la suite de Six valses que Prokofiev réunit dans son Opus 110 en 1946. Brillantes mais aussi un peu tristes, ces valses invitent peu à la danse et finissent par se fondre en un continuum qui, à lui seul, donne son sens au titre de la pièce : Flot. Pour se rassurer face à l’inconnu d’une œuvre pour un ballet, Thomas Hauert a fait appel à ses collaborateurs attitrés : Bart Celis qui a spatialisé le son et Bert Van Dijck pour moduler la lumière.

Les danseurs apparaissent et disparaissent par le fond d’un rideau teint d’une couleur verte, interdite dans le théâtre en France depuis Molière et, pour d’autres raisons, au Japon. Ce mode opératoire, nous l’avions déjà observé il y a quelques années, mis en œuvre dans le ballet de Merce Cunningham, Sounddance avec un rempart mordorée, en faux drapé baroque. Le final, sur la valse à juste titre dénommée Bonheur, éclate. Jusqu’au balcon, nous parvient l’allégresse d’un corps commun constitué de vingt-deux danseurs. La troupe arpente en tous sens le plateau, déboule de tous coins et recoins, sans jamais se heurter.

 

> Plus plus a été présenté les 14, 15, 16 et 18 novembre à l’Opéra national de Lorraine, à Nancy

> Record of ancient things de Petter Jacobsson et Thomas Caley les 19 et 20 mars à La Filature Scène nationale de Mulhouse

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