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On se souvient que les navigations hybrides interactives précédentes du couple Nicole et Norbert Corsino, Bangalore Fictions (2013) - fiction calligraphique pour iPad - et Soi Moi (2009) - application payante pour iPhone -, ne pouvaient fonctionner que sur des fonds préenregistrés, des paysages virtuels.

Ici, dans Self Patterns la réalité augmentée n’est pas qu’une vue de l’esprit. En plus de se prendre en selfie le spectateur peut cadrer, photographier ou filmer à sa guise les danseurs virtuels en les intégrant au décor bien réel qui l’environne. Dix brefs clips chorégraphiés par les Corsino, interprétés par les danseurs roumains Ioana Marchidan et Arcadie Rusu ont été enregistrés par capture de mouvement : rien de moins que soixante-douze caméras, fixées sur trois niveaux, filmant à 360°, encerclant les interprètes et fixants avec une précision extrême, leurs moindres mouvements. Patrick Zanoli, auteur de la scénographie 2D et 3D, a imaginé de micros-événements venant perturber les danses : l’irruption d’une girafe, l’intervention d’un rhinocéros, le survol d’avions, l’animation de feuillages. Et les séquences sont sonorisées à l’aide de compositions électro-acoustiques signées Jacques Diennet.

 

Plus belle la vue

Nicole et Norbert Corsino, aka n+n corsino, sont progressivement passés de la danse sur scène à la danse pour la caméra. Après quoi, ils se sont donné la contrainte de « ne pas filmer la danse » pour devenir réalisateurs de films à part entière. Ils s’autorisent cependant des allers-retours entre les expérimentations passées et celles qui nous semblent inédites. Norbert Corsino fait d’ailleurs remarquer que le temps de la caméra n’est pas celui de la danse. S’il leur arrive d’employer l’expression « fictions chorégraphiques » pour désigner leurs œuvres, ce n’est pas pour les taxer de narratives mais pour les distinguer des captations et des opus de vidéodanse.

Le dessin qui les inspire dans Self Patterns – en l’occurrence les BD en noir et blanc et sans paroles de Marc-Antoine Mathieu –, se retrouve légèrement teinté de rouge dans le résultat final, graphique et chorégraphique à la fois. L’aspect vertigineux, pour ne pas dire magique, de la navigation chorégraphique provient du fait que le mobile  - au sens de smartphone - entre dans la danse pour la produire de manière immédiate. Les travellings sont aisés à réaliser et ne demandent aucun matériel : ni rails, ni dolly, ni louma, ni drone. Un poignet assez souple et une motricité de préférence fluide, suffisent. Le réel peut, littéralement, se dérober, être emporté avec soi, comme l’image des danseurs captifs ou encapsulés.

Malgré tout, malgré la technique, l’informatique, le hard et le software, en dépit de l’altération, le réel fait donc son retour. Du reste, nous n’avions pas besoin de voir le visage des danseurs pour savoir qui ils sont. Leur façon unique de bouger, fidèlement retranscrite par les caméras, suffit à les identifier.

 

> Self Patterns de Nicole et Norbert Corsino, disponible sur Apple Store et Google Play

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