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Un rêve est à l'origine de ce théâtre gigantesque et absurde aussi déroutant que cacophonique. L'auteur le décrit comme un spectacle lui demandant de l'écrire. Fabriquée tel un laboratoire issu du rêve donc, et, à sa façon de déboulonner les marqueurs temporels, la pièce, d’une durée de 3 h 30, provoque des répétitions de hors temps incessants. C'est ainsi que Lear fait la manche dans le métro, Hamlet, diaphane, revient dans le monde des vivants, plein de remords, se débat dans un monologue sans queue ni tête interrogeant ses constellations familiale et amicale, qui l'entraine on ne sait où. Tandis qu'on éventre la bête, monstres, spectres, sorcières ou lutins agissent avec superbe pour honorer des Dieux. Macbeth, Othello, Prospéro, Puck et d'autres sont là aussi. L'idée étant de faire résonner non pas le genre shakespearien dans le temps historique mais la complexité des actions et destinés des grandes figures du géant à l'aune de nos problématiques sociétales et environnementales.

Trust / Shakespeare / Alléluia de Dieudonné Niangouna. p. Christophe Raynaud de Lage

Le processus d'extraction est intéressant et l'entremêlement des temps, plutôt culotté, reste somme toute réussi et drôle. La langue, invariablement belle, vigoureuse, tranchante est assourdissante par endroits. Sous le coup de la surprise, cela fonctionne relativement bien, mais assez vite, s'installe une suite de monologues entrecoupés d'agitations laborieuses. D'entrée de jeu, une cérémonie surinamienne laisse place à un déroulé habile et plutôt bien mené, puis des chants partisans succèdent à des scènes de guerre. S'ensuivent, des danses continuelles alternant entre Michael Jackson, Claude François et d'autres rythmes saccadés glorifiant des sorcières. Et c'est bien ce trop plein d'actions répétées dans une démesure acide entre révolution et propulsion pulsionnelle, qui au final, suscite le décrochage. L'auteur y dénonce l'inégalité de sommation et la violence sur les peuples, certes, « la mondialisation est le plus grand casse du siècle ». Aussi « il faut que le peuple se reprenne en main et arrête de flipper ». Mais, quelque chose semble vain voire maladroit dans la mise en scène et le jeu proprement dit. Conjuguer une quinzaine de jeunes comédiens hétérogènes dans une si large palette de propositions artistiques crée un déséquilibre manifeste. L’écriture de Dieudonné Niangouna reste avant tout très libre et poétique. Un pur jet qui génère du non sens et une forme volontairement laissée à l'état de songe.

En jouant à fond la carte du foutraque, l’auteur et metteur en scène reste fidèle à Shakespeare qui nous a si bien appris à faire un pas de côté pour démêler le vrai du faux et à chercher l'humain dans les plus bas instincts. À défaut d'une très belle pièce, Niangouna signe-là un titre très inspirant Trust / Shakespeare / Alléluia.

  

Trust / Shakespeare / Alléluia de Dieudonné Niangouna a eu lieu du 21 au 28 septembre à la MC93, Bobigny ; du 31 mars au 1er avril au CDN de Normandie, Rouen ; les 7 et 8 avril à la Maison de la culture d'Amiens ; du 22 au 24 avril au Théâtre des Treize vents, Montpellier

 

 

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