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Silhouettes fantomatiques omniprésentes sur les images qui nous parviennent depuis les zones de conflits et de crises, les « humanitaires » marquent les imaginaires occidentaux autant que leur quotidien reste un mystère. Face à ce manque béant, le metteur en scène Tiago Rodrigues a profité d’une carte blanche confiée par la Comédie de Genève, implantée dans la même ville que les sièges de l’ONU et du Comité international de la Croix-Rouge, pour aller à la rencontre des professionnels de l’urgence.

Toutes blagues dehors

Oubliez les sacs de riz, les bannières des organisations et les blouses blanches : la pièce de Tiago Rodrigues ne traite pas des conflits, mais bien des individus qui ont fait le choix de se rendre sur place pour assurer les besoins fondamentaux des populations prises dans le chaos. Portés par quatre comédien.ne.s en tenue de ville, les témoignages glanés au cours d’entretiens à Genève nous plongent sans artifice dans l’intimité de délégués engagés auprès d’ONG internationales.

Sans faire l’économie du cadre confortable dans lequel les mots ont été cueillis, les extraits d’entretien en français, anglais, russe ou espagnol émergent par flots disparates sur la grande scène du théâtre. En arrière-plan, une chaîne de montagnes faite de draps arrête le regard. Il faudra les petites anecdotes frivoles, l’humour et les histoires de fesses pour dénouer les langues et réussir à lever, tout doucement, le voile sur la vie quotidienne dans cet « impossible » apparemment si lointain. Par la voix d’une jeune médecin, arrivée dans le milieu un peu par hasard, par celle d’un vieux de la vieille qui a vu les dégâts inédits essaimés dans le sillon du 11 Septembre 2001, par les dialogues de sourds avec les proches lors du retour au « possible », l’expérience intime de ces humanitaires s’écrit en creux des Unes de JT.

Solitude internationale

Aucune indication géographique ne vient charger le récit de stéréotypes. Face à l’extraordinaire permanent de l’impossible, il n’y a plus que l’expérience crue et incarnée de celleux qui y étaient. Sous le linge tendu de la montagne devenue tente, les acteurs se frayent des passages prudents dans les sentiers de la mémoire. À la première personne toujours, chacun sème avec parcimonie les bribes d’épisodes littéralement inoubliables. Dans l’impossible des armes ou de la faim, la solitude se dit par les hésitations, les bras souvent ballants et les phrases restées en suspens. Dans le possible de la chambre d’expat’ ou du retour au pays, la distance se vole brièvement à coup d’euphémismes, d’allusions et d’auto-dérision.

Au rythme des caisses claires battues à vue par le compositeur-interprète Gabriel Ferrandini, la vie factuelle des experts de l’extrême raconte moins la géopolitique contemporaine que la scission schizophrène des occidentaux partants pour les lignes de front. Entre idéalisation par le grand public et rancune inquiète de la part des proches, entre implication sur le terrain et inévitable constat d’impuissance, Dans la mesure de l’impossible ouvre une petite porte sur le monde parallèle de celleux qui ont choisi, par égoïsme, altruisme, ou peut-être plus honnêtement les deux à la fois, de consacrer leur vie à repousser les frontières de l’impossible.

> Dans la mesure de l’impossible de Tiago Rodrigues, du 1er au 13 février à la Comédie de Genève ; du 24 février au 5 mars au TNB, Rennes ; les 10 et 11 mars à L'Équinoxe, Châteauroux ; du 15 au 17 mars au CDN Orléans ; les 25 et 26 mars au Théâtre Populaire Romand, La-Chaux-de-Fonds ; du 29 au 31 mars au CDN Besançon Franche-Comté ; du 6 au 8 avril au Théâtre de la Cité, Toulouse ; du 12 au 14 avril à La Coursive, La Rochelle ; le 29 avril au Théâtre des Salins, Martigues ; du 4 au 6 mai au Maillon, Strasbourg ; du 11 au 14 mai au Théâtre du Nord, Lille ; les 18 et 19 mai aux Scènes du Golfe, Vannes ; du 16 septembre au 15 octobre à L’Odéon, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris

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