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En donnant à voir, avant et pendant le spectacle, les multiples composantes des espaces de la théâtralité – à l’aide des définitions de leurs usages projetées sur les parois de la scène – du pendrillon à la loge en passant par le cintre, mais aussi en situant l’intrigue dans une maison d’opéra plutôt que dans un palais du XVIIIe siècle, la metteuse en scène Netia Jones ne se contente pas de proposer une mise en abîme critique du spectacle dans le spectacle. Également créatrice des costumes des décors et de la vidéo, elle pointe ce que Michel Foucault nomme la Généalogie : « Derrière les choses il y a « tout autre chose » : non point leur secret essentiel et sans date, mais le secret qu’elles sont sans essence ». Et démontre, à l’aide, entre autres, de costumes et d’accessoires qui mêlent l’ancien et l’actuel, qu’un opéra d’avant la modernité peut poser les questions qui travaillent la société d’aujourd’hui.

Car, dans cette intrigue en quatre actes conçus en six semaines par Lorenzo da Ponte sur la demande de Wolfgang Amadeus Mozart à partir de la pièce De Beaumarchais, il est question avant tout de rapports de pouvoir. Ici, Il Conte d’Almaviva, (Peter Mattei, tout en puissance), devenu par l’intelligence de la mise en scène de Netia Jones, directeur de l’opéra jouit d’un système d’oppression qui lui permet de délaisser en toute impunité sa femme La Contessa Di Almaviva (Maria Bengtsson, à la voix souple et légère), mais aussi d’étendre son emprise sexuelle sur tout le personnel féminin de l’opéra. À l’instar Barbarina (Kseniia Proshina), l’une des ballerines qui dans la mise en scène de Neita Jones sera violée par le comte, avant d’entonner son célébrissime aria L’ho perduta, nombreuses sont les femmes à subir les assauts du pouvoir patriarcal du responsable des lieux. Toute l’intrigue tourne ainsi autour de la volonté d’Almaviva de s’emparer de la costumière l’espiègle Suzanna (Anna El-Khashmen), qui doit épouser, l’accessoiriste Figaro, le toujours juste Lucas Pisaroni.

Mais, comme l’affirme Netia Jones dans le livret édité à l’occasion : « Ici les femmes sont fortes résilientes, centrales et réelles. Ce qui à l’opéra est révolutionnaire. » C’est pourquoi, et avec l’aide de Figaro, Almaviva sera l’objet d’une conspiration féminine et ne pourra posséder que celle par qui il est aimé. Cette coalition trouve un parfait point d’appui, dans un opéra où triomphe habituellement les solos, dans l’attention exceptionnelle que la metteuse en scène et le chef d’orchestre Gustavo Duhamel, portent aux airs collectifs. Dès le deuxième acte, ils se succèdent en rafales et sont interprétés en duo, trio, quatuor et cela jusqu’au septuor. Ainsi l’extraordinaire puissance unifiée de voix mêlées de soprano, mezzo-soprano, basse, ténor et baryton convainc que la volonté commune est l’une des rares forces capables de s’opposer à la tyrannie.

 

Les noces de Figaro de Mozart, mise en scène de Netia Jones, jusqu’au 18 février à l’Opéra de Paris

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