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À celles et ceux qui n’aiment pas les clowns, qui sont peu sensibles au burlesque ou qui n’ont tout simplement pas le rire facile, ce spectacle est peut-être pour vous. Accompagné de son acolyte et ami de longue date Juan Loriente – collaborateur régulier du metteur en scène Rodrigo Garcia – Oskar Gómez Mata propose ici une performance que l’on ne peut que qualifier de tonitruante. Près de deux heures durant, les deux comédiens que l’on peine à croire « pré-retraités », ne manquent ni d’énergie ni de panache. Débarqués au milieu des spectateurs comme des chiens dans un jeu de quilles, en tenues de cyclistes Lycra, les voici au sens premier du terme, montés sur ressort, tels des Dumb and dumber de la performance, jonglant entre humour burlesque et tirades philosophiques.


La performance tient sa cohérence en ce qu’elle fonctionne comme un fil tendu entre des questions subtilement métaphysiques, passant sans complexe de la notion de vérité révélée par la lumière d’un tableau de la Renaissance, à la problématique du déplacement des photons pour aborder le concept de temps qui passe. C’est frais, drôle, dans une réinvention permanente : on les croit en roue libre et d’un coup ils retombent sur leurs pattes. La scénographie dépouillée ne repose sur rien de très tangible là encore, les éléments de décor, issus d’un quotidien des plus banals (chaise et tables pliantes, parasol en paille, portants) forment un ensemble hétéroclite. Chaque détail s’apparente à un prétexte fournissant par là-même le point de départ d’une réflexion qui chemine bien au-delà de la pitrerie.


Avec leur capital sympathie et l’incongruité de leur humour les deux artistes ne semblent reculer devant rien. Tels deux petits tigres de plastique perdus au beau milieu d’un tapis de laine, métaphore du labyrinthe de l’existence, ils passent des larmes aux blagues les plus potaches. S’il semble faire sans cesse tabula rasa de la saynète précédente, ce n’est qu’en apparence : des rappels de formes ou autres clins d’œil donnent la cohérence à ce qui semble trompeusement ne répondre à aucune logique. La performance se déploie dans un motif proche d’un emboîtement de poupées gigognes, avec un principe de raisonnement en escalier convoquant nombre de souvenirs plus ou moins émus et autres anecdotes passées avec une savante maestria. Et si de prime abord la convocation faite à Jorge Luis Borges ne semble pas aller de soi elle s’impose à l’évidence comme un lumineux éclair de vérité faisant des deux interprètes de sympathiques poètes dont l’humour est autre qu’une facilité bien maîtrisée, plus qu’une technique savamment orchestrée : du grand art faussement léger.

 

> Makers de Oskar Gomez Mata a été présenté du 18 au 20 janvier aux Subs, Lyon

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