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Le large plateau nu et blanc des Halles de Schaerbeeck à Bruxelles se peuple d’individus vêtus de noir qui fixent un instant le public en silence. La musique rythmée et répétitive démarre et un tourbillon soudain anime cette petite foule de dix-neuf acrobates. Ils s’élancent dans des courses virevoltantes, des sauts et des portés, se hissent, se rassemblent, se dissocient puis reforment un groupe ramassé. Möbius tire son inspiration directe du phénomène naturel des murmurations : un regroupement important d’animaux qui s’organisent collectivement et coordonnent leurs mouvements, tels les bancs de poissons ou vols d’étourneaux.

La Compagnie XY, troupe de cirque contemporain à l’origine de cette création, travaille depuis plus de dix ans sur les portés acrobatiques et en a fait sa marque de fabrique. Cette pratique qui rend indispensable le soutien mutuel et l’entraide, place la cohésion du groupe au centre des méthodes de la compagnie, qui, organisée de manière horizontale et collégiale, affiche d’ailleurs l’adage « ensemble, on va plus loin » en grand sur son site Internet. Le collectif est aussi un élément central de la recherche de Rachid Ouramdane. Le chorégraphe à qui les XY ont fait appel pour co-créer Möbius a apporté aux organisations aériennes de la pièce une signature reconnaissable : un soin des amortis sur le sol, un sentiment d’urgence, de vitesse et de giration.

 

 

Un continuum espace-temps

Entre gestes acrobatiques et chorégraphiques, nous voilà ainsi embarqués dans une effervescence de traversées, de chutes et de voltiges. Soutenus par une bande sonore ininterrompue de lutherie électronique au rythme régulier, marquée par des vibrations et des sifflements d’oiseaux, les circassiens se grimpent les uns sur les autres pour former des totems en équilibre précaire. Ils s’empilent à deux, trois, voire quatre sur la tête ou les épaules, construisent des structures à la fois solides et vulnérables qui conquièrent l’espace aérien. Avec grâce, les corps s’élancent, se jettent, se propulsent, se rattrapent par les mains et les pieds. À l’envol succède la chute lorsque les colonnes humaines s’effondrent tout en douceur sous l’effet de la gravité, pour se redresser, inlassablement.

La scénographie participe à la sensation de boucle et d’infini qui habite les corps : les lumières composent un théâtre d’ombres, une atmosphère en noir et blanc, comme au crépuscule ; les costumes s’éclaircissent en passant du noir à des teintes de blanc, de gris et de beige. Ce flux perpétuel d’énergie qu’est Möbius est ponctué de déflagrations : dans un effet domino, la chute de l’un provoque un salto chez l’autre ou, par une autre réaction en chaîne, l’équilibre d’un groupe bascule soudainement. Suspendu à la réalisation de toutes ces prouesses, le public retient son souffle puis respire, soulagé, en constatant la précision, la maîtrise et la grande intelligence corporelle des interprètes, aussi à l’aise dans les airs que des poissons dans l’eau.

 

> Möbius de la Compagnie XY et Rachid Ouramdane du 5 au 11 décembre à La Filature, Mulhouse ; du 15 au 17 décembre à l'Empreinte, Brive-la-Gaillarde ; du 20 au 21 décembre à la Scène Nationale du Sud Aquitain, Bayonne ; du 13 au 14 janvier 2023 à La Passerelle, Gap ; du 4 au 10 mars à la Comédie de Clermont-Ferrand ; du 24 au 25 mars à La Brèche, Cherbourg ; les 1er et 2 avril au Théâtre de Suresnes Jean Vilar.

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