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Quel feu anime les danseurs et danseuses de Hofesh Shechter ? Dans les pièces du chorégraphe israélien star – ancien membre de la Batsheva, la compagnie du célèbre Mr Gaga – le mouvement semble dévorer les interprètes de l’intérieur. Un mouvement, comme un surplus d’énergie, venu des profondeurs de leurs tripes. Un mouvement empreint d’une sourde violence qui se déplie, irradie, frontalement ou en sous-texte. Ce feu intestin, le Ballet de l’Opéra de Paris s’en est emparé avec brio en faisant entrer dans son répertoire deux œuvres du début de carrière du chorégraphe. Deux pièces brutes, sans chichis ni décors, conçues à un an d’intervalle, en 2006 et 2007, qui ont fait connaître Hofesh Shechter à l’international mais surtout apporté sur les scènes chorégraphiques contemporaines un souffle nouveau. Et une danse qui se danse uniquement en chaussettes.

 

Le frisson Shechter

Une longue rangée de projecteurs éblouit les spectateurs. On pourrait être au stade, ou au concert d’une rock star. Depuis l’ombre, sept mecs s’avancent dans la lumière, tiennent l’équilibre sur une jambe en nous défiant du regard. Leurs tenues lâches, presque des pyjamas, ne dessinent pas la forme de leurs corps mais soulignent plutôt la circulation de leurs mouvements. Uprising : le titre indiquait déjà une dynamique à l’œuvre. Le programme de la soirée, lui, nous apprend que la pièce a été écrite en réaction aux émeutes de banlieue parisienne. Un soulèvement que le chorégraphe a observé depuis Londres, où il réside et travaille, et qui lui a inspiré une atmosphère chargée de testostérone. Tapes sur l’épaule ou claques dans le dos puis au visage, tête contre tête comme dans un combat de cerfs, cette petite tribu d’homme est composée de camarades ou de frères, tantôt taquins, virils ou querelleurs.

 

In your rooms de Hofesh Shechter p. Julien Benhamou - ONP

 

Rythmiques acérées, batteries énervées qui font vibrer nos entrailles et mélodies folkloriques épiques : chez Shechter – qui compose lui-même les bandes sons de ses spectacles – la musique toujours gronde, électrise les corps et fait grimper la tension. C’est ainsi que l’orchestre se retrouve perché au-dessus des danseurs pour la seconde pièce de la soirée. D’apparence plus abstraite In your rooms, est introduit par un discours sur le cosmos et fait planer le titre dans un faisceau de lumière comme au cinéma, mais elle répond au soulèvement d’Uprising en conservant une même intensité musicale et chorégraphique. Alternant des formations ordonnées – assis sur leurs genoux tous dans la même direction – ou complètement chaotiques – balançant leurs membres dans toutes les directions –, les 19 danseurs continuent de se battre avec des démons. Mains dans le dos, courbant l’échine, regardant au sol comme s’ils y cherchaient quelque chose d’invisible, les corps de Shechter sont toujours sur le qui-vive, et nous avec. Car assister à ses spectacles, et tout particulièrement ces premières pièces, plus sobres mais plus féroces que ses dernières créations, c’est recevoir un électrochoc. Aller chercher, en étant sûr de le ressentir, le grand frisson.

 

> Uprising et In your rooms de Hofesh Shechter par le Ballet de l’Opéra de Paris, jusqu’au 3 avril au Palais Garnier, Paris

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