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En dépit des innombrables références cinématographiques (nom du personnage féminin, pastiches des catégories ethnographique, noire, horrifique) et musicales (airs d'opéra, d'opérette et de cabaret) qui, à la longue, en énerveront certains, ce long métrage peut d'ores et déjà être considéré comme un chef d'œuvre non seulement du genre policier mais aussi, plus allusivement, politique. Il faut dire que le sujet est original, le scénario, personnel et labyrinthique, l'image de Tudor Mircea, nette et précise, le montage de Roxana Szel, mathématique et les contrepoints musicaux, toujours pertinents. Formellement parlant, le réalisateur ne révolutionne certes pas son art mais, question contenu, on en a son comptant. Le passage accéléré d'une société roumaine bureaucratique à un système de corruption et de surveillance généralisée est illustré par le rôle ambigu du protagoniste : flic et voyou dans la catégorie délinquance en col blanc puisqu'il est le seul dans cette histoire à ne pas faire usage de son arme.

Pour les besoins du script, le héros est amené à apprendre le silbo, un langage sifflé inspiré des oiseaux, réduisant les mots à quelques voyelles et consonnes, dont faisaient usage les Guanches, premiers habitants des Iles Canaries. Cette langue de montagnards, plus synthétique que le jodel, devra permettre de communiquer à distance, à l'insu des autres pandores, un message important à un moment particulier du récit, signal doublement crypté, d'abord dans la langue de Cervantès puis dans celle d'Eliade. La métaphore du matelas entre par ailleurs en jeu, en l'occurrence celui gardé pour les mauvais jours. Le directeur d'une usine de literie qui, en réalité, blanchit l'argent de la drogue, sera amené à dissimuler une dizaine de millions d'euros en liasses de cent, convoitée par le gang de trafiquants de la bonne ville de Gomera et la cheftaine roumaine de la police.

Qui dit surveillance, dit micros et caméras dissimulés un peu partout, jusque dans le bureau de la policière, obligée de sortir dans le couloir pour parler des choses sérieuses. D'où également cette insistance sur le cinéma lui-même qui capte tout et peut aussi ne rien "capter". A cet égard, l'intrigue est byzantine, quoique peu orthodoxe il est vrai. Qui dit surveillance dit aussi cachotterie. On se souvient que l'enfouissement d'un magot était déjà le sujet d'un film précédent de Porumboiu, Le Trésor (2015). La langue des oiseaux chère à Messiaen et à Stockhausen ne pouvait qu'inspirer un cinéaste prénommé Corneille.

 

 

> Les Siffleurs de Corneliu Porumboiu, sortie prévue 2019

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