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Ken Loach, le vétéran du cinéma britannique boucle la boucle. En 1971, Family life, charge au vitriol de la cellule familiale inscrite dans le mouvement de l'antipsychiatrie de ses compatriotes Laing et Cooper, fit de lui une figure majeure du réalisme social. Aujourd'hui, il tend à prouver, avec Sorry we missed you, que la famille nucléaire est tout ce qui reste de stable quand les instances du mouvement ouvrier (partis, syndicats, associations), les droits acquis de haute lutte (prestations sociales, durée du temps de travail, tea brakes ou pauses réglementaires) ont été réduits à néant par les nouvelles formes du libéralisme et du contrôle automatisé aussi bien tâches que des hommes.

Le quotidien du couple formé par une aide-soignante à domicile et un ouvrier ayant enchaîné des petits boulots mal rémunérés et tentant maintenant sa chance comme autoentrepreneur, en l'occurrence comme chauffeur-livreur à son compte, est à cet égard assez éloquent. Les difficultés rencontrées, les nouvelles contraintes qui s'imposent au couple (par exemple, le peu de temps qu'ils peuvent consacrer à l'éducation de leurs deux enfants) les empêchent d'accéder à ce qui jadis n'avait rien d'utopique : la propriété de leur logement. Le nouveau statut proposé au pater familias n'est pas un travail indépendant mais une forme de salariat cachant son nom et, surtout, le vidant de toute substance, de tout intérêt ou contenu. La déréglementation impose sa règle du jeu. Avec l'uberisation de la société, sans cesse la partie est remise à zéro.

La force du film ne réside pas dans sa forme, qui est classique. Elle provient, selon nous, de l'excellence de sa distribution. Le moindre rôle est tenu et bien tenu, aussi bien celui de l'adolescent rebelle que du gérant de la boîte de transports et de messagerie, celui de la vieille malade visitée par l'épouse infirmière, qui lui parle des luttes ouvrières passées. Sans parler du comédien qui incarne le père, ce héros toujours au bord de la crise de nerfs. Le spectateur appréciera la finesse de la mise en scène de situations pourtant dramatiques, mélodramatiques, quasiment chaplinesques. Le long travail préparatoire de documentation de la part de l'auteur et de son scénariste, Paul Laverty, est payant : il apporte de l'eau à leur moulin, force probante. Crédit au constat, motif de combat.

 

 

Sorry We Missed You de Kenb Loach, sortie prévue 2019

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