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À l’heure où le gouvernement et l’Académie œuvrent contre les innovations langagières, vous considérez-vous comme résistant·es ? 


Avec Bye Bye Binary nous aimons rappeler que nous sommes une collective belgo-française. Un événement hybride se trame à la Station : la LEADER PRIDE, espace de tournage, de travail et de fête. L'écriture inclusive ou la création de typographies post-binaires ne sont pas reçues de la même manière entre ces deux pays francophones. En Belgique, il n'existe pas de circulaire proscrivant l'utilisation du point médian comme celle publiée en 2021 par Jean-Michel Blanquer en France. La France marque un retard sur ces questions et se braque sur des positions réactionnaires et stériles. L'aventure autour de la typographie post-binaire est arrivée par nécessité et par urgence. Nous ne l'avons pas fait pour résister mais pour tordre le langage et se le réapproprier, pour visibiliser nos identités et transformer le réel. Le langage est ce qui fait exister. Ces recherches typographiques entre amoureuxes de caractères répondent à un besoin : celui de nommer, de rendre tangible. Elles font désormais mouvement. 

 

Vous présentez des travaux collectifs et des étapes de recherches. Quels sont les défis relatifs à ce type de monstration ?


La collective s'est toujours positionnée dans la distribution de fontes sous licence libre, suivant les 4 règles du mouvement libre : liberté d'utilisation, de copie, d'étude et de modification ou de redistribution. Mais la collective s'est aussi rendue compte qu'elle pouvait être soumise à de l'extraction des savoirs sous ces licences, et s'est penchée sur la rédaction de ses propres conditions d'utilisations. Ce sont les CUTE : Condition d'Utilisation Typographique Engageante. Elles garantissent aux personnes concernées un accès avec les mêmes modalités, et permettent aux institutions de se positionner et de réaliser des dons. Certaines des fontes débinarisées par BBB sont des forks (de l'anglais fourche), c'est-à-dire des fontes déjà existantes et libres auxquelles ont été ajoutés des glyphes post-binaires. Il y a donc une circulation des formes de créateurices en créateurices : réappropriation, réimplémentation, transformation, mutation. C'est une façon de remettre en question l'autorat et le « génie isolé ». Nous portons une attention particulière aux crédits, un des principes du mouvement libre : valoriser l'ensemble des personnes qui participent à cette création collective, fruit de recherches par d'autres auteurices et créateurices, qu'elles soient esthétiques, politiques ou linguistiques. 


Les productions de la collective dans cette exposition jouent avec la lisibilité. Pourquoi brouiller le message ?


L'une des critiques adressée à l'écriture inclusive est sa prétendue illisibilité. Elle est infondée : aucune étude linguistique ne la soutient. On dit de l'usage du point médian qu'il rallonge le corps du texte, l'enlaidit ou le rend illisible : autant d'arguments fallacieux avancés par les détracteurices de la démasculinisation du langage. Avec la collective, nous dépassons ce démasculinisation en proposant sa débinarisation. Grâce aux glyphes post-binaires, basés sur la fusion des terminaisons féminines et masculines des mots, la langue inclut aussi la représentation des personnes trans-queer ou non-binaires. Représenter des corps et des vécus qui n'existent pas dans le langage, c'est rendre la langue plus inclusive. Mais cela ne signifie pas que la typographie post-binaire doit être toujours lisible. Les communautés TPBG (Trans Pédé Bi Gouine) ont tout une histoire de langages cryptiques et secrets, du hankycode à la réappropriation du stigmate. Il ne s'agit pas de brouiller le message mais de parler une autre langage, un langage qui se défait de la domination masculine et dont l'esthétique se dégage des canons modernistes. Dans le monde de la typographie cela s'applique aux typographies dites fantaisistes, dont le style est toujours dévalué et réassigné à la féminité.

 

 

LEADER PRIDE, une exposition de H•Alix Sanyas et la collective Bye Bye Binary à La Station – Gare des Mines du 17 au 20 mars

⇢ La typothèque Bye Bye Binary  


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