
Parmi les œuvres filmées d’Exposé.e.s figure un portrait truculent, celui du militant d’Act Up Hervé Couergou, emporté en 1994 par l’épidémie. Vagabond dandy, artiste à ses heures, on le rencontre en famille, chez des amis, à travers ses chansons et ses poèmes - ou bourré sur son lit. Tout en surimpressions vidéo et digressions domestiques, c’est Lionel Soukaz qui l’a croqué dans son Journal Annales, travail au long cours initié caméra au poing en 1991, que met en forme son ami cinéaste Stéphane Gérard. Soukaz compte parmi les quelques pionniers queer du cinéma indépendant français. En 1978 il réalise Race d’Ep, film composite et espiègle entre fiction et docu retraçant une histoire de l’homosexualité sur des textes du militant Guy Hocquenghem. Lui succède Ixe en 1980, collage épileptique et autodestructeur dans la tradition expérimentale. Censurés en leur temps, ces deux films, reflets kaléidoscopiques d’une condition gay pré-SIDA, n’ont vécu qu’en festival depuis. Ces photogrammes en sont tirés.

Matthieu Duperrex n’a pas choisi entre l’art et la recherche. Croisant littérature, sciences humaines, arts visuels et numériques, ils mènent des enquêtes sur les milieux altérés par l’homme. Dans son dernier ouvrage, La Rivière et le Bulldozer, il propose une lecture de la modernité et de ses impasses par le prisme des sédiments et des minéraux.

Entretien extrait du Mouvement N°113
Monocultures intensives, déforestation et commerce international : les infrastructures humaines mettent en danger les écosystèmes. Certains organismes trouvent pourtant là des conditions de vie favorables. Proliférant, ils deviennent des alliés de la destruction en cours. L’anthropologue nous guide à travers ces « nouveaux mondes sauvages ».

Véritables ouvriers spécialisés au service d’un nom de l’art contemporain, les assistants d’artiste sont aussi cocréateurs, parfois soutien affectif. Jeunes, enthousiastes, ultraflexibles, ils forment une profession aux contours flous où l’espoir de la reconnaissance future se mêle à la frustration et à la précarité. Rencontres.

Au large du Yémen, l’île de Socotra est au cœur d’une guerre d’influence : les puissances pétrolières du golfe y placent leurs billes pour contrôler la pêche et le trafic maritime. C’est aussi une île-refuge pour les jeunes Yéménites, en quête d’une vie moins dangereuse. Avec son rivage infiniment poissonneux et ses plantes médicinales, Socotra a des atours de paradis biblique. Sous les dragonniers millénaires, l’attente et le trépignement.

La Ballroom scene, dont la manifestation la plus connue est la spectaculaire danse voguing, née dans les milieux queer et trans racisés du New York des années 1980, a fait sa route en France, puis récemment, au Portugal. Le plus grand ball du pays s'est tenu cet été à Porto lors du festival Dias de Dança, nourri par l’apport de la jeunesse brésilienne immigrée, victime des politiques homophobes et transphobes de Bolsonaro.

En 2018, LVMH a remporté le Jardin d’Acclimatation à Paris sur une simple promesse : remplacer la fête foraine par une « fête Impériale » et la famille qui faisait tourner les manèges par des employés. Pour perpétuer leur artisanat − à l’origine du spectacle moderne − les forains s’en étaient remis au Ministère de la culture, mais ce dernier avait refusé de l’inscrire au patrimoine. Que reste-t-il de ce mode de vie nomade et indomptable ?

À la pointe des études spatiales à l’époque soviétique, les centres de recherche arméniens luttent désormais pour survivre. Symboles d’un passé glorieux, les plus célèbres se trouvent sur le mont Aragats, un volcan éteint avec les pieds dans la neige et le col dans les nuages. Rencontre avec des astrophysiciens résistants, espoir fragile d’un renouveau pour le pays, entre aigreur patriotique et filiation passionnée.

Ils sont poètes, chanteurs ou plasticiens. Mais surtout, ils sont flics. La nuit, ceux qui font respecter l’ordre écument les rades micro en main, écrivent des vers inspirés par leurs interventions sur le terrain ou sculptent dans l’acier des corps torturés. Que ce soit pour évacuer la violence contenue derrière l’uniforme ou le mépris des chefs, ils préservent ces bulles artistiques en marge de la hiérarchie.