
Des grappes de corps et de bagages dans un camion, une explosion, des silhouettes comprimées derrière un pare-brise embué : des scènes qui semblent extraites d’un reportage en zone de guerre, d’un documentaire sur les réfugiés ou de n’importe quel journal télé. Pourtant, ces images perturbent le regard : à les observer de plus près, les vêtements sont trop propres, les décors trop lisses, les pauses trop cinématographiques. De la violence sociale enrobée dans une esthétique publicitaire ? Le photographe néerlandais Juul Hondius met en scène des « situations réelles possibles » pour mieux confondre les images-type que les médias fabriquent sous prétexte de documenter une situation géopolitique extraordinaire. Une zone commerciale en guise de studio, une rencontre fortuite en guise de casting, ses mises en scènes, toujours captées à la lumière naturelle, obligent à porter une attention particulière aux existences effacées à force d’être surexposées. « Les photographies réalisées à Paris ont été inspirées par des jeunes réfugiés Afghans qui vivaient dans un parc près de la gare de l’Est, raconte l’auteur. J’ai composé ces images avec eux, chez un concessionnaire d’utilitaires Mercedes en banlieue pour recréer des parties de leur parcours complexe. » Une image factice pour réhumaniser des réalités vidées de leur substance par l’image de masse.

Construit à partir d’archives familiales, Le Bienheureux, un conte breton retrace le destin tragique du « bienheureux », un héros fantasmé au temps de la guerre d’Indochine. Mélangeant images et documents anciens avec photographies et textes contemporains, le projet s’attache tout autant à déconstruire la figure du héros colonial qu’à proposer une forme de réparation à travers l’imaginaire. Soufflé par un fantôme ou nettoyage de lignage, il devient manière d’hériter et perpétuer la mémoire, au delà des incompréhensions intergénérationnelles.