Des artistes dans le prêt-à-payer

Que se passe-t-il quand on se met à crier ? Flora Détraz s’est posé la question dans HURLULA, dérive chorégraphique et sonore sur le cri. Avec son univers délirant qui explose dans toutes les directions, la performeuse déborde, sort des cadres d’une féminité qui cultive la douceur et où le cri est un interdit.

Concert-marathon de nuit, rituel à domicile, crossover générationnel : pour ses quarante ans, le festival Musica multiplie les formes d’expression live de la musique contemporaine. Quitte à déborder dans l’ésotérique – à bon escient.

Tombée dans la danse à quatorze ans, Nadia Beugré n’a jamais décroché. À 42 ans, elle assume plus que jamais sa gouaille et son goût entretenu pour le métissage des influences. En une dizaine de créations, la chorégraphe s’est imposée dans le paysage européen sans tourner le dos à la Côte d’Ivoire dont elle est originaire. Alors qu’elle présente Prophétique (on est déjà né.es) et Filles-Pétroles, diptyque sans compromis tendu à la société qui l’a vue naître, le festival d’Automne à Paris consacre un portrait à l’artiste insoumise.

Une nouvelle fois, Mohamed El Khatib invite les supporters de Lens sur scène — les vrais. Spectacle clivant dès ses débuts, Stadium continue d'interroger. Une véritable exposition d’êtres humains, dont le ressort factice fait craindre la supercherie. Un écueil que le metteur en scène tente de contourner par une esthétique puissante et la joie du folklore.

Danse contemporaine et champignons. À première vue, le mélange ne semble pas aller de soi. Pourtant, c’est précisément cette symbiose que provoque le chorégraphe grec Christos Papadopoulos. Conçue avec et pour le ballet de l’Opéra de Lyon, sa très attendue création Mycelium relève le défi avec dextérité, jusqu’au vertige.

Entre une rétrospective d’Ange Leccia au FRAC de Corti, un lieu de résidence enchanteur sur les hauteurs de Pieve et un avant-goût de la seconde Biennale de Bonifacio, l’art visuel prend ses aises sur l’Île de Beauté. Et si la Corse devenait un pivot de la scène artistique européenne ?

Au temps de l’urgence climatique et des villes en surchauffe, quel est le rôle du paysagiste ? Tout l’été, la ville d’Annecy accueille un florilège d’initiatives artistiques et architecturales pour y réfléchir et repenser son patrimoine naturel et urbain.

Flic, officier, formateur en hôtellerie : dès ses premiers textes, Sonia Chiambretto a croqué avec sarcasme des figures d’autorité. Sa poésie politique, ultra-rythmée, est pensée pour être lue avec l’aplomb qu’il faut pour changer le monde. Performés, mis en scène par des chorégraphes ou des dramaturges comme Rachid Ouramdane, ses textes sont habités par les témoignages de celles et ceux qu’elle rencontre. Dans Oasis Love, cinq jeunes de quartiers populaires courent après l’amour et tentent d’échapper à la police. Avec cette nouvelle pièce composite, l’auteure devient metteure en scène.

Le public européen l’a découverte avec le solo Cutless Spring (2019), exploration frontale et sans faux-semblants de sa propre sexualité. Sans rien lâcher de sa gestuelle nerveuse et pantomimique, la chorégraphe et performeuse canadienne Dana Michel quitte pour un temps les boîtes noires et présente MIKE, laboratoire d’attention tout terrain construit à la façon de l’Oulipo. Trois heures durant, l’artiste en pantin mutique déambule entre bobines de rallonge, portants utilitaires et bibelots soigneusement chinés, livrant un hommage pudique aux invisibles de la société de service autant qu’une ode à l’empathie volontaire.

À mi-chemin entre le bruit du monde et les mots des gens, cette chronique trace sa route dans ce qui nous occupe. Sur tous les murs de nos villes, quatre lettres : ACAB, pour All Cops Are Bastards. Flic, ça va, tout le monde voit bien, képi, sifflet, taser, menottes ; pour bâtard, de quoi parle-t-on ?

Entre champs et forêts, sept pièces déclinent la polysémie du mot « paysage ». Projet hors-norme conçu par Caroline Barneaud et Stefan Kaegi et porté par le Théâtre Vidy-Lausanne, Paysages partagés nous balade entre nostalgie pour nos jeux d’enfants et profondes réflexions sur nos liens à la nature à l’heure de la sixième extinction de masse.

Après le graff, la performance et le football féminin, l’historienne de l’art et performeuse Hortense Belhôte passe la Révolution française au crible de ses redoutables Conférences spectaculaires. Sur fond de Céline Dion ou de Mylène Farmer, Portraits de famille compose par bouquet d’anecdotes une histoire de France glanée à l’ombre du grand récit national.

Comment reprendre le pouvoir sur les images ? Avec Destins communs à La Kunsthalle de Mulhouse, l’artiste Omar Ba traite de l’inégalité d’accès à l’information et met en évidence les mécanismes symboliques par lesquels l’autorité s’impose.

Dix ans après sa dernière rétrospective à la Fondation Cartier, Ron Mueck – artiste rare, peu bavard, fuyant les interviews – sort de sa solitude pour un nouveau solo. À 65 ans, le sculpteur australien expérimente encore, cherchant à s’ouvrir une porte de sortie hors de l’hyperréalisme.

« Performe ton genre : performe ta race ! » écrit Elsa Dorlin, et ce pourrait être l’autre titre de l’exposition-dialogue Make a space for my body. Ici réunies, Esther Ferrer et Brandon Gercara ont en commun d’avoir investi la performance pour déconstruire les assignations patriarcales ou/et coloniales qu’on a voulu leur imposer.
HARRY GRUYAERT
VOYAGE INTÉRIEUR, DU MAROC À DUNKERQUE

Des grappes de corps et de bagages dans un camion, une explosion, des silhouettes comprimées derrière un pare-brise embué : des scènes qui semblent extraites d’un reportage en zone de guerre, d’un documentaire sur les réfugiés ou de n’importe quel journal télé. Pourtant, ces images perturbent le regard : à les observer de plus près, les vêtements sont trop propres, les décors trop lisses, les pauses trop cinématographiques. De la violence sociale enrobée dans une esthétique publicitaire ? Le photographe néerlandais Juul Hondius met en scène des « situations réelles possibles » pour mieux confondre les images-type que les médias fabriquent sous prétexte de documenter une situation géopolitique extraordinaire. Une zone commerciale en guise de studio, une rencontre fortuite en guise de casting, ses mises en scènes, toujours captées à la lumière naturelle, obligent à porter une attention particulière aux existences effacées à force d’être surexposées. « Les photographies réalisées à Paris ont été inspirées par des jeunes réfugiés Afghans qui vivaient dans un parc près de la gare de l’Est, raconte l’auteur. J’ai composé ces images avec eux, chez un concessionnaire d’utilitaires Mercedes en banlieue pour recréer des parties de leur parcours complexe. » Une image factice pour réhumaniser des réalités vidées de leur substance par l’image de masse.
LYDIE SALVAYRE : LE MONDE DROIT DANS LES YEUX

Salto, saut périlleux, crise de vertige et voltige à cinq mètres du sol : dans une forme athlétique, les deux acrobates de La Volte-Cirque invitent leur public à passer une tête dans les coulisses de la pratique circassienne.

Un personnage déclassé et boulimique zone dans les allées des centres commerciaux à la recherche de lien social, porté par ses pulsions et ses frustrations. Valérian Guillaume met en scène son premier roman, Nul si découvert, avec sobriété pour laisser toute la place à un monologue difforme et glouton qui met à nu un monde sans pitié.

Pendant quatre ans, et dans six villes différentes, la chorégraphe Lenio Kaklea a mené une enquête pour comprendre les pratiques des individus qu’elle rencontrait. Elle a décliné cette moisson en une publication, une exposition et un solo. Et puis plus récemment, en une seconde pièce chorégraphique : Encyclopédie pratique, Détours. Les gestes n’y sont jamais exposés en tant qu’objets. Reconnaissables et fuyants en même temps, ils ne cessent de se métamorphoser pour nous emmener vers ailleurs. Le savoir est partout, et d’abord dans les corps.

La nostalgie doit-elle nécessairement nous obliger à regarder vers le passé ? Le temps d’une virée dans les allées d’un authentique parking souterrain, la chorégraphe et musicienne Katerina Andreou brandit le souvenir comme une arme de résistance active pour affronter les tempêtes à venir.

Naïf, le cirque ? Dans la convivialité d’un chapiteau aux allures de microcosme, Un loup pour l’Homme coupe court au débat : avec Dans l’Espace, la compagnie circassienne aborde rien de moins que l’anthropocène par l’extrême sobriété d’acrobaties à haute portée métaphorique.

Entre fiction poétique, essai documentaire et expérimentation plastique, la 34ème édition du Festival International de Cinéma de Marseille présentait une large palette de formes et d’écritures, souvent placées sous le signe de la rencontre et mues par un esprit de communauté. Les films inclassables et non formatés, parfois à la lisière de l’amateurisme, y étaient accueillis avec les honneurs, au même titre qu’un cinéma narratif à l’ancienne.
Esprits êtes-vous las ?
PLONGÉE DANS LE SPIRITISME DERNIÈRE GÉNÉRATION
CONTRACEPTION MASCULINE : LA COMMUNAUTÉ DE L'ANNEAU
Engagez-vous dans la narine !
LES ODEURS DANS L'ART