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Cinéma
Documentaires d’auteur, expériences formelles, essais filmiques : du 22 au 31 mars à Paris, le Cinéma du Réel réunit ce que l’on ne voit pas ailleurs. Si la programmation vous perd, Mouvement a repéré pour vous trois portes d’entrée.
Ben Rivers est de ces cinéastes secrets. Seuls trois de ses longs métrages ont été diffusés dans les salles françaises : Two Years at Sea (2011), Un sort pour éloigner les ténèbres (2015), coréalisé avec Ben Russell, et Krabi, 2562 (2019). Pour les autres, une bonne quarantaine tous formats confondus, il faut fouiller du côté des espaces d’art et des festivals de cinéma indépendant. Chez lui, le documentaire anthropologique se fond dans l’expérience sensorielle. Tournées le plus souvent en 16 mm, alternant noir et blanc opaque et jaillissement de couleurs, ses fables non-narratives cultivent une apparence artisanale, à la mesure des thématiques qui l’occupent : l’instinct de survie, la communauté à venir à l’aune de l’effondrement et la transfiguration possible dans un monde courant à sa perte.
Le Wu-Tang Clan au réveil. La clope électronique sur le banc de montage. Et le tennis, le soir à la télé. Début 2023, Bertrand Bonello terminait son dixième film, La Bête, en salle le 7 février. En plein chantier, entre le doute et l’excitation, il se confiait à Mouvement. Pour un cinéaste, le montage est ce moment de sculpture décisif — celui où le romancier reprend ses phrases et le mécanicien règle un moteur. La Bête, triptyque d'anticipation qui devait compter Gaspard Ulliel au générique, s'inspire d'ailleurs d'une nouvelle de Henry James. Un film phénix, un rescapé, qu’on aurait du mal à classer dans une filmographie où s’enchaînent la fresque intimiste (L’Apollonide, 2011), le biopic hypnotique (Saint Laurent, 2014) et le cauchemar eschatologique (Nocturama, 2016), avant un teen-movie plein de fantasmes (Zombie Child, 2019) et une youtubeuse tout en énigmes (Coma, 2022). Alors, pour décortiquer ses images, Bertrand Bonello s’interroge sur ce qui les suscite. La solitude. La rêvasserie. Sa fille. Et la musique, du piano de l’enfance au hip-hop d’aujourd’hui - ou du bâtisseur de l'atonalité Arnold Schönberg, qu'il fantasme dans une mise en scène musicale à la Philharmonie de Paris.
Un patrimoine rural à l’agonie quelque part en Italie, dans un passé plus ou moins distant : les années 1980 ou un âge préromain, ou les deux en même temps. Au début il y a la tombe, à la fin le destin – dans l’intervalle, advienne que pourra. Dans les films d’Alice Rohrwacher, des paysans, des forains et des brigands se déplacent dans les ruines et le spectateur s’égare dans la narration. Il n’a pas toutes les clés de compréhension : le cinéma est un des derniers endroits où se promener sans carte ni destination. La réalisatrice présente La Chimère, sélectionné à Cannes en 2023, dernier volet d’une trilogie consacrée au centre de la botte où elle a grandi. Le film relate les péripéties d’un gang de tombaroli, ces pilleurs de tombes étrusques qui défrayaient la chronique dans l’Italie des années 1970 et 1980. Arthur, leader malgré lui de cette bande de joyeux voyous, possède le don de détecter les sites antiques enfouis sous terre. Héritière d'un néoréalisme teinté de magie, Alice Rohrwacher met en scène des personnages habités par un lien spirituel avec l’invisible, intercesseurs entre le monde des vivants et celui des défunts, entre le cinéma documentaire et la mythologie romantique. Au mois de décembre, le Centre Pompidou lui consacre une rétrospective accompagnée d’une exposition-installation intitulée Bar Luna : décor central de La Chimère, point de départ d’un voyage vers l’amour et la mort.
Du 10 au 12 novembre au CENTQUATRE, la cinéaste réunit des femmes noires artistes autour d’un thème : reformuler. Performance, vidéo, peinture, musique et littérature : autant de prismes par lesquels envisager la féminité noire aujourd’hui, et sa place dans la France contemporaine, mais surtout faire avancer collectivement une réflexion située.
Entre fiction poétique, essai documentaire et expérimentation plastique, la 34ème édition du Festival International de Cinéma de Marseille présentait une large palette de formes et d’écritures, souvent placées sous le signe de la rencontre et mues par un esprit de communauté. Les films inclassables et non formatés, parfois à la lisière de l’amateurisme, y étaient accueillis avec les honneurs, au même titre qu’un cinéma narratif à l’ancienne.
Pour son second long-métrage, Mehdi Hmili plonge dans la violence du Tunis interlope de son enfance. Le cinéaste signe avec Amel et les fauves un film puissant et personnel en point d’interrogation : quel lendemain pour la société tunisienne ?
Aux Mourinoux, quartier d’Asnières-sur-Seine, les habitants partagent leur spleen et leur rêve d’évasion. À l'occasion du week-end pluridisciplinaire Sur les bords au T2G, Rayane Mcirdi présente Le Croissant de feu, court métrage entre fiction et documentaire, sous le signe de la nostalgie.
Réfractaire au formatage et aux classifications de genres, le Festival du moyen-métrage de Brive célébrait cette année sa 20eme édition dans l’allégresse. Contrecoup des années covid, la tonalité des films était à contrario plutôt morose, traversée par les motifs récurrents du deuil impossible, des rendez-vous manqués et des fantômes d’amours passées. À moins qu’il ne s’agisse de leur résurrection ?