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Deux mains crochues géantes et une paire d’yeux malicieux nous cueillent dès notre arrivée dans la Grande Halle : la sculpture textile d’Hélène Hulak, expression d’un kitsch cringe et flashy, annonce la couleur – assurément bariolée – de cette nouvelle édition de 100 % l’expo. En tout une cinquantaine d’artistes, designers et cinéastes émergents métamorphosent les 3500 mde cette vieille halle de fer en un festival chamarré. Et prévenons tout de suite les amateurs de minimalisme : ils font ici fausse route. La nouvelle génération répond aux mauvaises nouvelles de son époque par le strass et le fluo, l’outrance des formes et, surtout, un humour mordant. Rien de tel pour déconstruire le vieux monde que de lui opposer le second degré comme le fait Charles-Arthur Feuvrier dont le colosse monstrueux nous apostrophe avec des mantras typiques du développement personnel : « Vis ta vie comme si tu étais le héros de ton film. » 


Foire pop-grotesque


Grappes de crevettes, œufs mimosas verdâtres, huîtres et Heineken : dans sa vidéo Feast and furious, Sophia Lang fait défiler des mannequins grande taille vêtus de robes extravagantes – au choix : chou-fleur et brocoli, crevette, gigots – puis les invite à se goinfrer. À son banquet, la voracité s’exalte et la grossophobie est conspuée. Cette grande bouffe n’est qu’un des mille et un espaces parallèles qu’agrège cette cinquième édition comme autant de bulles ultra-personnalisées, expressions d’un « je » en recherche. Il en va de même pour la mise en scène de Marie Perraud (INSEAMM) qui retient le spectateur dans une chambre girly – tons roses et pastels, texture guimauve, papier-peint à motif cœur et bulles de savons. Sur un écran, l’artiste présente sa « morning routine », détournement à la sauce glauque d’un rituel beauté comme en regorge YouTube. Avec une scénographie privilégiant les diagonales aux cloisons perpendiculaires, on progresse dans l’exposition comme une balle de flipper éjectée d’un univers à un autre, sans possibilité de reprendre son souffle. Clément Courgeon des Beaux-arts de Paris saisit lui aussi la corde carnavalesque : c’est dans l’esthétique médiévale qu’il puise l’inspiration des déguisements de bouffon qu’il enfile pour danser sur des parkings de centres commerciaux.


L’art fenêtre ouverte sur les écrans 


En matière de couleurs criardes et de formes kitsch, Internet est bien sûr une friperie de choix. Si ce festival nous dit quelque chose, c’est bien que l’esthétique post-internet (running gag de l’art contemporain depuis bientôt 15 ans) ne mourra pas avec cette nouvelle génération d’artistes. Google Image, véritable cloud de l’imaginaire collectif contemporain, est le terrain de jeu favori de Gaspard Willmann (Beaux-Arts de Lyon) qui passe de la retouche Photoshop à la peinture à l’huile pour produire ses grands formats : mégot, bouteille plastique, ticket de métro, gobelet, tout s’y mélange en un unique sfumato, vision crasse d’une civilisation où tout se perd et rien ne se transforme. Pour Anne Swaenepoël, c’est le jeu vidéo, machine à représentations dans laquelle elle trouve pourtant une voie vers la réconciliation du moi. Tiré de sessions dans Sims 4, son film Piapiapia traite de dysmorphie en suivant un avatar qui semble passer sa vie à faire des pompes et des abdos. On l’aura compris : pour déguiser et désamorcer ses maux intimes, la génération d’artistes à venir abuse d’autodérision, de farce et d’exagération – et on ne lui en voudra pas.


> 100 % L’expo du 5 au 23 avril dans la Grande Halle et le parc de la Villette, Paris 19

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