Miroirs suspendus aux arbres, haie d’honneur de troncs renversés racines vers le ciel, fleur de lotus géante, chrysalide de cuivre XXL : chaque année, la scène nationale de Bonlieu organise une manifestation urbaine et poétique qui invite le visiteur à regarder différemment les paysages naturels et patrimoniaux d’Annecy. Artistes, paysagistes, architectes ou studios de design s’emparent de différents points de vue sur la ville, le lac ou les montagnes pour installer leurs œuvres, souvent immersives, toujours intégrées à l’environnement. Pour cette édition, vingt-sept installations et une dizaine d’expositions accompagnent les déambulations des estivants. Avec une grande place octroyée aux matières végétales, une réflexion menée sur l’agriculture en ville et ses invitations à reconsidérer notre rapport aux vivants, Annecy Paysages donne corps aux questionnements d’aujourd’hui. Alors que le mois de juillet 2023 est déjà le mois le plus chaud jamais enregistré à la surface de la planète, le paysage, par définition lieu d’interactions entre les activités humaines et les phénomènes naturels, devra muter, s’adapter aux bouleversements climatiques. C’est ce témoin de notre époque que Annecy Paysages nous invite à examiner.
“J’espère que les oiseaux viendront y nicher.” Comme un nuage, sculpture cumulus de branchages suspendus à un pylône de bois signé Bob Verschueren, se voit investi d’un rôle par les badauds. Et si une sculpture pouvait aussi servir à préserver la biodiversité ? Plantées au milieu du jardin de l’Europe, au bord du lac, les autres sculptures surréalistes du plasticien belge rappellent les rôles multiples du végétal en milieu urbain : limiter les vagues de chaleur, endiguer les effets de la pollution, entre autres bienfaits.
À l'ombre des branchages, trois blocs de granit directement acheminés du Mont-Blanc voisin sur lesquels est inscrite l’identité du fautif : L’HUMAIN. Avec l’installation VICE-VERSA - signée par les artistes Laurence Piaget-Dubuis, Hervé Savioz et Pat Méo - humain, végétal, animal et même minéral partagent le même destin. Aux pieds des montagnes, alimentée en eau par les glaciers, la ville d’Annecy sera aux premières loges pour constater la fin des hivers enneigés et la fonte des glaces qui savaient auparavant résister à l’été.
Après le pont des amours, en avançant sur le remblai, une maisonnette flotte sur la surface miroitante du lac. Composée de petites plaquettes d’inox, la transparence de Walden Raft, œuvre conçue par les artistes Élise Morin et Florent Albinet, est propice à l'imagination. Rescapée d’un village englouti ou cabane rustique et paisible invitant à un retour à la terre ? En fonction des nouvelles et de notre propension à l’optimisme, on y voit ce qu’on veut.
Au bout de la jetée, un prisme métallique invite à contempler l’horizon. Face à ce paysage savoyard idyllique, la vision devient fragmentaire, le regard morcelé en un millier de points de vue. Absorbé par l’effet visuel de l’installation Lake Gazebo cosignée par le studio de design After Apricots et l’agence d’architecture Bach Mühle Fuchs, on a une pensée pour la suite : quel futur pour la ville ? Une multitude de possibilités s’offrent à nous, comme autant de panoramas alternatifs à façonner en amitié avec le vivant, parce que la responsabilité du paysage tient d'abord à celui ou celle qui le regarde et l’habite.
> Annecy Paysages, jusqu’au 24 septembre
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