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Tout le monde a en mémoire Tracks, chapelle des contre-cultures en prime time télévisuel, qui a tiré sa révérence fin 2022 après 25 ans d’hebdomadaire sur Arte (mais renaîtra bientôt sur un autre média, Spark). Certains se souviennent peut-être aussi de l’Œil du Cyclone, fenêtre sur l’étrange creusée dans la grille de Canal+ dans les années 90. Ces deux programmes diffèrent certes sur leur forme et leur positionnement, mais leur absence rappelle la rigidité du champ cathodique, et l’urgence d’y conserver une place pour la création alternative.


Sur Arte, Hypernuit s’en charge à sa façon, c’est-à-dire sous hypnose. Internet scrolle, les chaînes télé bombardent : à quoi bon enchérir davantage ? À l’inverse de ses émissions aînées, la proposition de Paul Ouazan (auquel on doit déjà le programme Die Nacht dans les années 2000) tire avantage de notre régime d’attention nocturne et calme le jeu. Ici, pas ou peu de médiation ni de parole : les séquences parlent pour elles-mêmes, titre et auteur font acte d’introduction, tout au mieux une phrase. On divague entre des formes plus qu’on n’apprend quoi que ce soit, et c’est là l’ultime délectation du programme.


Qu’importe qu’internet donne accès à tout : Hypernuit expose et prend le temps. Sa singularité tient aussi à sa forme composite : mi-magazine culturel, mi-création télévisuelle – au sens où l’on parle de « création radiophonique », ce genre que France Culture honore encore un peu, de nuit également. Sont donc ici réunis les travaux d’une sélection d’artistes comme ceux produits « maison » par l’Atelier de Recherche d’ARTE France, sans hiérarchie. Et si l’éventail artistique est large, le line-up n’est pas chargé : en 45 minutes, on passe de l’art vidéo à la musique en passant par l’animation et la photographie, sur le mode de la slow tv (mais sur un temps réduit).


Ainsi, en silence, les vues quasi-gothiques des Monts d’Arrée par Stéphane Lavoué se succèdent, tout juste ponctuées par les commentaires du photographe dont le visage s’immisce en surimpression. Des marcheurs filment leurs pieds puis révèlent leur point d’arrivée en redressant leur caméra. Valparaíso nous apparaît dans une visite guidée en rafale sur Google Street View, en hommage à un film de Joris Ivens en 1962. La harpiste Kety Fusco nous confie une « Gnossienne » augmentée d’Erik Satie au ras des cordes. Ou encore : les boxeurs de l’Équipe de France s’exercent sur leur sac de frappe, et leur force éclabousse dans un montage de flashs et de kicks sonores. Telles sont quelques-unes des pistes qu’a réuni l’équipe d’Hypernuit pour tisser leur premier épisode, à découvrir si le sommeil vous manque, ou si la curiosité vous en prend.


> Hypernuit sur Arte, premier numéro à 00h50 dans la nuit du vendredi 3 mars au samedi 4 mars

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