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Une péniche sur le Canal de l’Ourcq. Ça tangue, les œuvres penchent – des panneaux de plexiglas suspendus au plafond de la cale. On y lit des formules gravées, des chiffres, des phrases superposées à la limite du lisible. Elles disent : « Je ne sais pas, je ne sais pas » ou encore « Je crois que ce n’est pas à moi de me faire pardonner. » Charlie Aubry attrape son sujet, aussi fuyant soit-il : l’amnésie.

Pour concevoir cette installation, il est allé à la rencontre de résidents souffrant de la maladie d’Alzheimer dans un EHPAD du 19e arrondissement, pour récolter leurs récits de vie. 

« L’EHPAD est un endroit fermé et là, je leur proposais de partir très loin dans leurs souvenirs, rapporte-t-il. Spontanément, certains se mettaient à me raconter d’anciens voyages. » 


Parfois, l’entretien patauge : la phrase n’arrive pas à son terme, les mots ne viennent pas. Ce n’est pas l’important. Charlie Aubry fait avec l’instabilité. Sur un papier à partition, il demande aux pensionnaires de dessiner quelque chose. Un visage, un bateau, tout ce qui leur passe par la tête. Il transmet alors la feuille à un musicien qui l’interprète librement. « Il a fallu rectifier certains gestes pour ne pas effrayer. Par exemple, Hèctor Parra i Esteve peut taper du poing ou se rouler sur son piano. Ça peut être violent au premier abord. » Où la mémoire verbale fait défaut, l’artiste et compositeur, propose les divagations libres de l’improvisation musicale.


L’installation qu’il présente à la Pop n’est qu’une pièce dans un plus vaste puzzle artistique, social et relationnel. « J’ai voulu faire une galerie des glaces à ma façon, en mettant l’identité en jeu. » Quand deux personnes se trouvent au même moment de part et d’autre de ces panneaux transparents, le dispositif s’active d’une autre manière. « C’est comme se regarder dans un miroir et ne pas se reconnaître. » Accompagné d’une bande sonore retravaillée au synthé modulaire (ces énormes machines truffées de câbles), l’exposition emporte dans une expérience troublante. Après s’être effrayé des dérives liberticides des technologies de reconnaissance faciale dans son précédent projet P3.450, ce plasticien reconnaissable à son combo casquette-gilet de pêche redirige maintenant son action dans le présent et sur le terrain.


> Symphonie des souvenirs de Charlie Aubry du 3 juin au 2 juillet à la Pop, Paris

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