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À Albi, le Moyen-Âge est partout. À commencer par l’édifice Sainte-Cécile, plus grande cathédrale en brique au monde, qui surplombe les environs. Aujourd’hui, la cité ancienne héberge parmi les plus contemporaines des expérimentations artistiques. Structure associative enfantée par la décentralisation de la culture dans les années 1980, le centre d’art le Lait accueille pour la seconde fois Félix Blume à Albi avec le soutien du GMEA, Centre national de création musicale implanté dans la ville. Le cadre, cette fois-ci, a changé : une ancienne école, dans laquelle le Lait est désormais installée. C’est ici que Blume nous guide vers de nouvelles approches du son. Un simple tour sur son Soundcloud et l’on réalise que, pour l’artiste français, tout phénomène sonore mérite attention : un orage, le croassement d’une grenouille, le talkie-walkie d’un policier, un volcan en éruption. Ses arpentages sont la matière première de dispositifs interactifs et ludiques qui incitent le spectateur à travailler sa position d’auditeur et ses habitudes d’écoute. 



Micro-trottoir sans frontière


Casque sur les oreilles, micro à la main, Félix Blume enregistre tout ce qui bouge – mais aussi ce qui ne bouge pas. En ouverture d’exposition, des vidéos le mettent en scène dans sa pratique de preneur de son au cœur d’une variété d’environnements. Dans le sable, les pas d’une tortue. Un bord de rivière au coucher du soleil. Des raquettes dans la neige. D’autres situations se révèlent plus incongrues : immobile au bord d’une départementale pour capter le passage des véhicules, un camion fauche sa perche à pleine vitesse. Parfois, des voix humaines surgissent dans ces milieux sonores. La pièce Ao Pé do Ouvido – « Au pied de l’oreille » – a été réalisée au Brésil, à São Paulo, en collaboration avec des personnes immigrées ou réfugiées. Au mur, une série de haut-parleurs. Il faut y coller l’oreille pour entendre leurs paroles et leurs trajectoires, en créole haïtien, en portugais, en espagnol, en français. D’attrapeur de son, Félix Blume passe à attrapeur de rêves : des rêves déçus, frustrés ou réarrangés pour avoir une chance de devenir réalité.




Vues de l’exposition Au-delà du son, Félix Blume, 2025, centre d’art Le Lait, Albi © Phœbé Meyer 



Toucher le son


Si la matière principale de son œuvre est sonore, Félix Blume soigne aussi la mise en scène de ses installations. Plus loin dans l’exposition, des carrés de fer tranchent avec le blanc des murs. En les effleurant, ceux-ci vibrent et reproduisent la fréquence d’un animal, d’un véhicule ou d’un élément naturel. Une Harley Davidson, le ressac marin, des aboiements, le vent : ces sons ont été sélectionnés par douze enfants déficients auditifs d’Albi, avec lesquels l’artiste a travaillé en résidence. Dans des sociétés qui priorisent les stimuli visuels, ce dispositif intitulé Du bout des doigts invite à développer une capacité d’attention plus fine et des modes de perception autres.



Dans le même esprit, en fin de parcours, l’installation Ciudades Invisibles, nous prive un instant de notre vue en nous plongeant dans l’obscurité. Des chaînettes pendent ça et là. En tirant sur celles-ci, chacun déclenche un son : carillon, chant de moine, sifflet de train, murmure. Libre au visiteur d’activer voire de combiner ces sources sonores, passant du bruit à la musique. À nouveau, la pièce est le fruit d’une collaboration, cette fois-ci avec des personnes malvoyantes au Mexique, auxquelles il a été demandé de sélectionner les sonorités de leur quotidien. Là encore, en scannant nos environnements sonores, Félix Blume nous place à l’écoute de ce que l’on ne sait pas toujours entendre, mais aussi de celles et ceux qui, bien qu’invisibilisés, écoutent différemment.



Au-delà du son de Félix Blume, jusqu’au 9 novembre avec le soutien du GMEA au Lait, Albi

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