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Avant de pénétrer la salle d’exposition plongée dans une nuit aux teintes prune, il faut passer par un long couloir coiffé d’une verrière. La chaleur étouffe autant que la lumière éblouit le regard. Agenouillé sous les rayons du soleil, Vir Andres Héra, le prochain artiste accueilli en résidence aux Tanneries, y prépare une œuvre imposante dont les dimensions et les couleurs blanchâtres attisent la curiosité. L’ambiance est radicalement différente du côté de Quart de nuit, en galerie haute. Une fois l’ambiance adriatique de la verrière dépassée, on a l’impression de pénétrer dans la fraîcheur d’un sous-bois, des feuilles mortes disposées au sol craquent même sous le pied. Comme si en ce jour de début de printemps à Montargis, la météo avait voulu tendre un piège au visiteur, ne pas lui laisser pressentir qu’il allait être plongé dans le noir de son inconscient malgré les rayons du soleil qui réveillent le jardin de sculpture que l’on aperçoit depuis les fenêtres du centre d’art.



Forêt minimale


Sur le papier, l’exposition promet une sorte de retour au règne animal, une promenade dans un « inconscient primitif » mis en scène par Méris Angioletti, traversé par des hululements de chouette et des témoignages sonores qui permettent à des bribes de songes récoltées chez des anonymes de raisonner dans l’espace. L’exposition se veut minimale, très peu d’œuvres sont présentées aux murs, à l’exception de deux fresques, et d’une intrigante vidéo qui narre une déambulation somnambule dans un espace à peine éclairé, que l’on imagine être une maison abandonnée, un grenier ou une cabane dans les bois. Ce dépouillement relatif des murs, tous teintés de la couleur violette qui infuse l’espace d’exposition grâce à des filtres apposés aux ampoules, favorise un état de torpeur qui gagne à mesure que l’on se promène entre les quelques éléments disposés au sol : cruche en terre cuite, feuilles mortes, cailloux ou sable rassemblés en motifs circulaires. On croirait traverser une forêt juste après un rite de sorcellerie. Proposant une installation qui ne prend sens que si elle est ignorée, assimilée par le regard comme un arrière-plan, Méris Angioletti détourne le principe d’exposition. En effet, les objets sont pensés comme les graines d’un décor censé germer dans notre esprit une fois que l’on se sera allongé sur le tapis dont les motifs amples et géométriques rappellent les fresques aux murs.



Suspension du temps

 

Ce bain sensoriel, de couleurs diffuses et de trucages sonores, produit l’effet d’une suspension du temps. Après avoir visionné la boucle vidéo deux ou trois fois, on se surprend à faire plusieurs fois le tour de l’espace d’exposition, comme si l’artiste nous avait doucement préparé à déambuler dans nos pensées. Comme un miroir tendu à l’inconscient, Quart de nuit invite à composer des récits personnels, déclinables et perpétuellement ajustables selon qu’on s’arrêtera sur les mots de tel témoignage sonore ou de tel autre. Le dispositif faisant œuvre, il fixe des conditions propices au surgissement des images, celles qui s’impriment sous les paupières lorsque l’on ferme les yeux et qui habitent l’arrière de notre cerveau, comme des empreintes visuelles de rêves. Pari réussi : avant de regagner l’étouffoir de la verrière, on se demande si l’on ne se serait pas assoupi dix minutes ou une heure, le temps d’une dérive dans un songe collectif.




  • Méris Angioletti, Quart de nuit a eu lieu du 4 février au 16 avril aux Tanneries, Amilly
  • Vir Andres Héra, Seized by the spiritdu 15 avril au 28 mai aux Tanneries, Amilly

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