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1. Le persil contre l’annulation de l'arrêt Roe v. Wade.


Plusieurs jardinières en bois, quelques tiges vertes… si l’on n’y prête pas attention, l’installation de Lundy Grandpré pourrait ressembler à n’importe quel autre mini-potager de ville. Il faut s’asseoir sur les bancs qui bordent les bas de terre pour entendre les plantes se présenter elles-mêmes comme force de résistance éco-féministe de premier ordre : « Contre l’ordre établi, la médecine violente, la dépossession de nos corps, nous faisons avorter, nous régulons les cycles menstruels, nous abaissons les maux de ventre, le mental agité, les humeurs rouges, nous sommes les médicinales du futur », chuchote une voix dans un haut-parleur. Avec le ton d’une séance de méditation pleine-conscience, Sauge, Armoise, Persil et compagnie vantent, non sans humours, leurs bienfaits, ceux-là mêmes qui ont envoyé quantité de femmes qualifiées de sorcière au bûcher par le passé. Des recettes de grand-mère intemporelles qui ne cessent pas de trouver une actualité, même en 2022 quand le système législatif américain revient sur le droit à l’avortement.


Médicinales du futur de Lundy Grandpré © Marc Domage



2. Des pigeons et du Mondrian 

 

En Allemagne, on les surnomme souvent « rat des airs ». Les pigeons font partie des espèces urbaines les moins appréciées. La ville d’Annecy en élimine chaque année des centaines pour des raisons de santé publique. Séverine Hubard a décidé, elle, de choyer cet animal maudit. À côté du pigeonnier traditionnel au bois vieilli par les fientes, l’artiste leur a installé une villa sur-mesure : une façade aux couleurs des tableaux de Mondrian, une architecture évoquant Le Corbusier… C’est tant d’honneur pour ce volatile non-noble par excellence qu’on serait presque tenté d’y lire la métaphore d’un renversement de l’ordre établi chez les humains comme pendant les révolutions, quand les indigents envahissent les palais. 

 

Faux jumeau de Séverine Hubard © Marc Domage



3. Pop nature 

 

Il y a ceux qui veulent verdir l’espace urbain, et Choi Jeong Hwa, qui en vient à le rosir. D’une taille de 6 mètres de diamètre, son lotus géant occupe une grande partie de l’esplanade de la mairie. Traversée par de l’air, la fleur semble respirer, ses pétales montant et descendant à un rythme régulier. Dans la tradition bouddhiste, le lotus représente le voyage intérieur à travers les sept chakras. Comme à son habitude, l’artiste coréen choisi de traiter cette thématique spirituelle par une approche pop et des formes simplifiées, convaincu que l’incursion des couleurs dans les paysages citadins peut changer la donne. 

 

Breathing Lotus Flower de Choi Jeong Hwa © Marc Domage 



4. Civilisation chewing-gum 

 

Aux abords du Lac, un énorme rocher semble échoué là depuis d’innombrables années. Il pourrait faire partie du décor lacustre si ses couleurs roses, jaunes, vertes, ne lui donnaient pas une allure extraterrestre. En s’approchant encore, on constate que des grappes de chewing-gum et des baskets Converse se sont fossilisés au minéral. Comme si Sisyphe avait charrié en poussant sa boule toutes les saletés de notre époque. Ugo Schiavi a un penchant assumé pour l’Antiquité et ses mythes : masques du théâtre ancien, sculptures malmenées par le temps… il glisse toujours sur ces vestiges du passé des pollutions du présent. Aux plâtres et aux pierres se mélangent des résidus plastiques indésirables.  Ainsi son œuvre faussement archéologique ainsi les anachronismes pour mieux cerner l’Anthropocène, au point qu’Ariane elle-même aurait du mal à remonter le fil. 

 

Mégagorgonne d'Ugo Schiavi © Marc Domage 



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