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Le public s’installe derrière des chaises de jardin blanches, soigneusement disposées en carré sur un plateau noir quadri-frontal. Quatre silhouettes recouvertes de draperies noires ou blanches le traversent d’un pas pressé. Parmi ces intimidantes figures entre spectres et bourreaux, se trouve Betty Tchomanga, chorégraphe à l’écriture dense et grimaçante, travaillant depuis la mémoire du corps colonisé. Avec Leçons de ténèbres, elle resitue cette recherche dans un réseau symbolique complexe, composé d’une profusion de gestes et de thèmes musicaux.


Au XVIIème siècle, les « Leçons de Ténèbres » désignaient une musique liturgique narrant la destruction de Jérusalem, et c’est aussi le nom qu’a donné en 1992 le réalisateur Werner Herzog à un documentaire lyrico-tellurique sur des puits de pétrole enflammés au Koweit. Chez Tchomanga, elles sont à nouveau affaire d’anéantissement. Ici, quatre corps chantants et pulsants incarnent des destins esclavagisés, appuyés par une dramaturgie sonore relevée – un choix musical proche de ceux de la chorégraphe Marlene Monteiro Freitas, dont Tchomanga est interprète. Toujours en tension, ces corps résistent, luttent pour leur existence, contiennent leur rage, et se maintiennent pour ne pas défaillir. Ces états physiques et identitaires trouvent leur écho dans ceux de la scénographie, constamment remodelée par les danseurs eux-mêmes, à l’image de cette piscine centrale, d’eau puis de fumée.


Sept leçons rythment le spectacle, un chapitrage signalé par la feuille de salle et quelques repères sonores : un chant breton, des paroles de la légende soul Curtis Mayfield, ou encore l’extrait d’un documentaire de David LaChapelle sur le krump. Betty Tchomanga équilibre alors son spectacle entre visions de violence coloniale (viols d’esclaves, bateaux négriers) et tentatives d’évasion ou de prise de parole - au sommet d’une pile de chaises, une danseuse pousse soudainement une gueulante qui occupera tout l’espace scénique. Et ce sont dans ces variations finement orchestrées entre force et douleur que l’on tire les plus beaux enseignements de ces Leçons de Ténèbres.


Leçons de Ténèbres a été présenté le 7-8 décembre au TU-Nantes, et tournera en février au Festival Parallèle, Marseille ; les 2 et 3 mars au Festival Dansfabrik, Brest ; le 11 mars au Festival Artdanthé, Vanves ; les 27 et 28 mai à Gessneralle, Zürich (Suisse)