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Article extrait du Mouvement N°113


Marseille, circa 1995, deux types derrière un Macintosh de la taille d’un caddie de courses : « “Tiens, telle police tout à coup c’est plus rond et les mots deviennent plus gros.” Alors il dit “entre ces deux pages tu mets Op Op”, donc j’écris “Op Op”, il dit “grossit en énorme”, je lui dis “mais ça dit quoi Op Op ? Il dit “ben rien mais c’est dansant.” Ah ouais, c’est dansant. » Laurent Cauwet, fondateur des éditions Al Dante, a été l’un des premiers à publier Christophe Tarkos, poète marseillais disparu à 40 ans en 2004. C’est comme ça que se fabriquaient les livres de poésie il y a 30 ans, apparemment. Une certaine poésie qui passait l

e plus clair de son temps loin des rayonnages. C’était encore l’époque des revues autoéditées, souvent anonymes, distribuées par la poste, entre le spam et le colis suspect. À Marseille, Tarkos fait R.R avec Stéphane Bérard et, plus tard, Nathalie Quintane. Elle relate : « L’idée c’était : la poésie, c’est des potes, c’est des revues, on envoie les textes qu’on fait à des revues, et on crée soi-même une revue. Je ne t’apprends rien d’exceptionnel. » En dix ans, Tarkos collabore à une cinquantaine de publications et en fonde plusieurs autres, dont Poézi Prolétèr avec Katalin Molnár et Facial avec Charles Pennequin. Il donne l’impression d’être partout, et en contact avec tout le monde : Bernard Heidsieck, taulier de la poésie-action, de deux fois son âge, qu’il appelle « maître » ; les punks du graphzine parisien, qui impriment la nuit sur les photocopieurs de Libération ; la scène marseillaise, faite de routiers des avant-gardes et de jeunes ahuris, au moment où se monte le Centre international de poésie (cipM). Aujourd’hui, Tarkos est traduit, étudié, presque célèbre. Tous les étudiants en école d’art ont vu ses performances de Je Gonfle ou Le Bonhomme de Merde sur YouTube. Ils n’ont pas forcément lu ses livres chez Al Dante ou P.O.L. Tarkos était beau, était bien dans son époque, est mort jeune. La tentation d’en faire un poète maudit est presque irrésistible. Nous avons ici choisi d’explorer le hors-champ tarkosien en rebranchant le bonhomme sur son « milieu ». Pour la poésie contemporaine

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