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Un patrimoine rural à l’agonie quelque part en Italie, dans un passé plus ou moins distant : les années 1980 ou un âge préromain, ou les deux en même temps. Au début il y a la tombe, à la fin le destin – dans l’intervalle, advienne que pourra. Dans les films d’Alice Rohrwacher, des paysans, des forains et des brigands se déplacent dans les ruines et le spectateur s’égare dans la narration. Il n’a pas toutes les clés de compréhension : le cinéma est un des derniers endroits où se promener sans carte ni destination. La réalisatrice présente La Chimère, sélectionné à Cannes en 2023, dernier volet d’une trilogie consacrée au centre de la botte où elle a grandi. Le film relate les péripéties d’un gang de tombaroli, ces pilleurs de tombes étrusques qui défrayaient la chronique dans l’Italie des années 1970 et 1980. Arthur, leader malgré lui de cette bande de joyeux voyous, possède le don de détecter les sites antiques enfouis sous terre. Héritière d'un néoréalisme teinté de magie, Alice Rohrwacher met en scène des personnages habités par un lien spirituel avec l’invisible, intercesseurs entre le monde des vivants et celui des défunts, entre le cinéma documentaire et la mythologie romantique. Au mois de décembre, le Centre Pompidou lui consacre une rétrospective accompagnée d’une exposition-installation intitulée Bar Luna : décor central de La Chimère, point de départ d’un voyage vers l’amour et la mort.

Un entretien extrait du N°120 de Mouvement


Vos films sont empreints d’une mystique rurale. Que gardez-vous de votre jeunesse à la campagne ?


J’ai grandi dans une maison isolée en Toscane, mais j’avais accès à ce qui se passait en ville par mes parents, des intellectuels très engagés. Ils ont été impliqués dans toutes les grandes luttes politiques de l’époque. Ma mère, enseignante, était très féministe. Mon père, violoniste puis apiculteur, se revendiquait du Mouvement de 1977 en Italie [épisode contestataire dit « autonome », en rejet de toutes les institutions, partis et syndicats inclus, ndlr], plutôt que de Mai 1968 en France. Beaucoup de gens nous rendaient visite, en ramenant des histoires qui me semblaient venir d’un univers lointain. Tout cela a infusé en moi. Ma personnalité et mon cinéma se sont bâtis sur deux choses : d’une part, un enracinement profond, un lien fort à la nature et à l’agriculture ; de l’autre, un regard d’étrangère sur mon propre environnement. Un double regard et un double sang, puisque je suis

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