En France, la contraception testiculaire reste le parent pauvre des dispositifs qui empêchent la reproduction. Quelques rares partisans conçoivent des solutions artisanales aux noms un brin farfelus : slip Boulocho ou andro-switch. Pourtant, d'après ses adeptes, le pouvoir de l'anneau va au-delà de la contraception et révolutionne le rapport au corps masculin.
Félix, 29 ans, utilise une contraception thermique depuis deux ans. Cette décision a mûri dans un souci d’égalité avec ses partenaires : « J’ai été dans des relations avec des filles pour qui la contraception était difficile, stressante. On a cherché des solutions ensemble, mais la charge physique, le risque et la souffrance reposaient toujours sur elle, jamais sur moi. Ce n’est pas parce que la maternité physique incombe aux femmes que tout l’effort médical de contrôle des naissances doit être concentré sur elles. » Parmi ses potes, Félix est « un ovni ». En effet, la contraception testiculaire reste le parent pauvre des méthodes contraceptives, en majorité destinée aux personnes qui ont des ovaires et un utérus. Selon les chiffres publiés en 2013 par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, en France, 41 % des femmes âgées de 15 à 49 ans ont recours à la pilule, 22,6 % au stérilet et 15,3 % au préservatif masculin. Les techniques pour gens à testicules restent confidentielles.
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À part le préservatif – et la vasectomie, potentiellement irréversible – deux méthodes existent : hormonale et thermique, avec un dispositif qui chauffe les testicules pour stopper la production de spermatozoïdes, soit directement, soit en les remontant près du corps. Ces contraceptifs sont aujourd’hui défendus par deux médecins, le Professeur Soufir, andrologue à Paris, et le Docteur Mieusset à l’Hôpital Paule de Viguier à Toulouse. En 2012, ils publient un Guide pratique d’une contraception masculine hormonale ou thermique, afin de démocratiser cette pratique auprès de leurs collègues et des potentiels utilisateurs. Elle peine pourtant à se répandre, la faute à un blocage socio-culturel et un désintérêt commercial. Et reste cantonnée aux cercles militants, notamment au sein d’Ardecom (Association pour la Recherche et le Développement de la Contraception Masculine), qui milite depuis 1977. C’est dans ce cadre que les dispositifs thermiques sont conçus, de manière artisanale, à l’instar du slip Boulocho.
« Un anneau autour du pénis, ça te ramène à ton corps. »
En 2019, Maxime Labrit change la donne en commercialisant l’andro-switch. Le dispositif est très simple – un anneau en silicone, placé autour du pénis et du scrotum, permet de remonter légèrement les testicules. Il coûte une quarantaine d’euros et fonctionne plusieurs années. Félix fait partie des adeptes. Cet anneau n’a pas changé grand-chose à son quotidien ; en revanche, il ne vit plus son corps de la même manière. « C’était un peu étrange au début, comme porter des lunettes ou une montre pour la première fois. Maintenant, c’est quand je ne le porte pas que je trouve ça bizarre. Mettre un anneau autour du pénis, ça te ramène à ton corps. En tant que mec, on n’a pas souvent l’occasion de prendre conscience qu’on a un corps, contrairement aux femmes, pour qui la contraception est un parcours fléché par les institutions sociales et médicales. Se contracepter nous oblige à retrouver un rapport médicalisé à notre corps. C’est une forme de vulnérabilité. »
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En 2021, la photographe Rebekka Deubner, qui questionne dans ses clichés la représentation du corps masculin, est invitée à documenter la pratique contraceptive thermique, et les corps qui la portent. Il en ressort le « Couillendrier », un calendrier intime et sensible, et une série d’images présentées dans ces pages, autour du quotidien d’un groupe d’hommes contraceptés qui fabriquent des andro-switch dans le Gers. Un mois après ce shooting, ce moyen de contraception était suspendu par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, faute de certification européenne. Mais Thoreme, l’entreprise créée par Maxime Labrit, ne compte pas en rester là : en attendant la légalisation de l’anneau, ce projet artistique permet d’en vendre, mais comme des œuvres. Libre à chacun d’utiliser ces « talismans réversibles » comme il l’entend.
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C’est avec une œuvre radicale qu’elle alimente le cinéma français depuis 35 ans. Printemps 1988 : Chocolat électrise et divise les spectateurs du Festival de Cannes. Claire Denis a lâché son premier film, celui d’une femme blanche éduquée dans le crépuscule de l’Afrique coloniale, formée auprès de Wim Wenders et Jim Jarmusch, lectrice de Frantz Fanon : un cinéma subtil, intelligent, interprétable. On lui explique alors que son regard est sexualisant, en plus d’être symptomatique de son genre. La réalisatrice réfute ces deux accusations : elle ne veut pas faire des films de femme, pas plus que des films d’homme. Depuis, elle arpente les coursives du cinéma d’auteur, du fait divers à la science-fiction, de la banlieue parisienne à Djibouti, d’Isabelle Huppert à Vincent Lindon. Hollywood la courtise régulièrement ; ses films sont encore assez peu montrés en France. Elle a reçu l'année dernière le Grand Prix du Festival de Cannes pour Stars at Noon, actuellement en salles, et le prestigieux Ours d’argent à la Berlinale pour la réalisation de Avec amour et acharnement, adapté d’un roman de Christine Angot. À 76 ans, ni le conformisme, ni les paillettes des grandes cérémonies ne la contraignent à regarder le monde comme il faudrait. Elle taille la route avec ses personnages, fidèle à leurs erreurs, chroniqueuse de leurs bifurcations. Des errances désirantes.