Des tintements métalliques quasi assourdissants et de mystérieuses images, comme issues d’une vieille VHS, découvrant un visage crispé en plan rapproché. La vidéo (Absolutions) Les fautes de Pipilotti de Pipilotti Rist (1988) annonce d’emblée que les muscles seront ici mis à mal, que la chute des corps que l’on s’apprête à voir se contorsionner et tourner dans tous les sens ne sera pas exempte de douleur. Tels ceux, moulés dans une résine grisâtre, de Duo (Lodie, Paola, Denis, Amélie, David, Siet, Camille) de Daniel Firman (2013), qui, à force d’étirements, se confondent en une sculpture aussi statique que chaotique. Danser sur un volcan débute dans le fracas, sonore visuel, sorte d’incipit tonitruant qui ne quitte pas l’esprit du visiteur, déambulant au milieu de ce parcours dense, transdisciplinaire et intergénérationnel, mêlant émergence et œuvres historiques, entre les murs du Frac Franche-Comté à Besançon.
La souplesse des vagues
Une fois arrivé dans la première grande salle blanche et cubique du Frac, la mise en garde sonore passée, on se retrouve face à la sculpture en bois et cuir De la verticale à l’horizontale de Klaus Rinke (1970). Elle dessine le second motif de l’exposition : la souplesse dont les corps peuvent faire preuve alors qu’ils sont constamment tiraillés par l’apesanteur et fouettés par le vent. Cette forme de vague esquissée par des morceaux de bois savamment disposés contre le mur de manière à imiter le basculement d’un plan géométrique à l’autre, de la verticale à l’horizontale, évoque aussi bien le ressac qu’une pure abstraction, crayonnée par un éventuel architecte. C’est à ce même mouvement, d’un côté à l’autre et de haut en bas, que Nowhere and everywhere at the same time, n°3 de William Forsythe (2014) oblige à se plier. Rythmée par un bruit de tic-tac proche de celui du métronome, la bascule des vérins et pendules suspendus au plafond contraint à une danse inattendue en plein milieu de l’exposition. On expérimente ainsi ce que la pression de l’air impose au corps, interprète d’une chorégraphie ininterrompue, celle de l’attraction gravitationnelle.
Shahar Marcus, Leap of Faith, 2010, © Shahar Marcus, Courtesy Braverman Gallery LTD
Marcher sur le feu
Exploration des représentations du corps tendu entre relâchement et contrainte, Danser sur un volcan n’en est pas moins une mise en garde. Comme le montre Mirror Travelling d’Andrés Baron (2017), tout est question de point de vue. Dans le film, les corps apparaissent sculptés par le cadre choisi par l’artiste, représenté en miroir par la figure d’une mystérieuse caméraman, dirigeant l’objectif droit sur celui qui l’observe, orchestrant les glissements d’un plan à un autre en bonne chorégraphe. On prend conscience que les œuvres désinvoltes et amples de la première partie de l’exposition cachent une part plus douloureuse derrière le cadre avantageux et gracieux de sculptures monumentales. Cette part obscure se niche dans l’hors-champ, le vacarme initial résonne et le visiteur découvrirait presque des braises sous ses chaussures.
Fracture au plâtre
À mesure que les salles se succèdent, les métaphores de la douleur et de la fracture, filées par les commissaires Florent Maubert et Sylvie Zavatta, s’éclaircissent. Dans la dernière, on trouve The No Title Painting (2003), une installation de Steven Parrino constituée de deux plaques laquées de noir, brisées sur le sol. La boucle est bouclée : la fêlure comme l’envers de la souplesse initialement mise en scène par la fluidité des balanciers ou celle du feutre roulant sur le sol de la sculpture Sans titre de Robert Morris (1968-1972). Douceur, fragilité, souffrance : la dialectique des mouvements dansés se met en branle pour ouvrir sur la jouissance et les rires. Peuvent en témoigner les Lovers de Bill Viola (2005), qui transcendent le déluge pour tenir, par la force des jambes et des bras entremêlés, bien droit dans leur amour et sur leurs appuis.
> Danser sur un volcan, jusqu’au 2 janvier au Frac Franche-Comté, Besançon
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