Un entretien extrait du supplément dédié à Nord Sonore
Dans quel contexte Louis Andriessen a-t-il impulsé une scène musicale contemporaine aux Pays-Bas ?
Il était de la génération du baby-boom européen animée par des utopies de gauche. Avec ses amis, il se plaisait à saboter les concerts du Concertgebouw Orchestra d’Amsterdam, qu’il jugeait bourgeois, en dérangeant les musiciens à l’aide d’un casse-noix en métal. Pour lui, il fallait créer un ensemble neuf et innover dans la lignée des minimalistes américains comme Steve Reich ou Philip Glass : il y est parvenu en réunissant des fonds publics. Son ensemble a été créé dans le souci de rester connecté aux mouvements sociaux de l’époque. En composant l’un de ses opéras, Andriessen espérait, naïvement bien sûr, que les foules le chanteraient le long des canaux de la capitale. Il avait aussi écrit une pièce intitulée Workers Union (1975) que son ensemble avait exécutée en plein mouvement social. Les ouvriers l’ont détestée ! C’est toute l’ambivalence d’une telle démarche.
Comment les ensembles que vous dirigez aujourd’hui pérennisent-ils cet héritage ?
Andriessen considérait qu’un ensemble n’est pas juste là pour faire de jolis concerts. Mais il a aussi accepté que la musique ne changerait pas la société – ses compositions sont devenues bien plus abstraites par la suite. Un ensemble, c’est avant tout un outil pour aider des compositeurs à expérimenter le plus loin possible et créer de nouveaux langages musicaux. À son échelle, la musique peut faire refuge, opposer une autre réalité à celle qui nous occupe, et c’est déjà ça. Aujourd’hui, nous travaillons à élargir notre communauté de compositeurs à d’autres champs : arts visuels, électro. En travaillant avec Jlin, productrice de footwork [danse urbaine américaine – Ndlr], nous avons constitué une banque de sons pour contourner la partition et collaborer plus intuitivement. Quant à l’environnement politique, il est sombre ici aussi. Un gouvernement très à droite a nommé un ministre de la Culture de centre droit. Celui-ci a déjà annoncé qu’il faudrait « faire des efforts ». Ils ne détruiront pas d’un coup ce qui existe déjà, mais cela doit nous pousser à redéfinir et affirmer la fonction de l’art dans la société, et de nous questionner en tant qu’ensemble.
La Persévérance de l’Ensemble Klang & Asko|Schönberg sera présenté le samedi 21 septembre dans le cadre du Festival Musica au Maillon, Strasbourg
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