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Un amas de couettes moelleuses traîne au sol. Mercedes Dassy émerge de ce nid douillet comme d'une chrysalide. Lentilles blanches et tenue pop-futuriste, faite de résilles et de molletons : toujours aussi mutante, la performeuse se sépare de l’esthétique cyborg pour adopter un style plus reptilien. Tout commence par une chorégraphie du détail, faite de gestes saccadés, qu’elle effectue le visage douloureux : le processus de création de ce nouveau solo se confond avec son blues post-partum. Loin de l’effervescence collective qui transparaissait dans sa précédente pièce Ruuptuur, Spongebabe in L.A est une pièce intime, plus lente, centrée sur l’écoute de soi. Dans ses draps blancs, la performeuse se prélasse, téléphone à un amant, pousse la chansonnette, comme un dernier au revoir à l’adolescence et ses inerties mélancoliques. 

 

Hasard de la programmation ou simple effet d’une libération générale de la parole : le thème du post-accouchement revient chez Fanny Krähenbühl qui bataille entre son envie de prendre soin d’un bébé imaginaire et son désir de destruction. Pour éviter de figurer dans la rubrique fait divers –, la Suisse brise un nain de jardin, atomise un aspirateur et pète des assiettes, s’inspirant des Fury Room, ces espaces dans lesquels des quidams défoulent leurs nerfs sur des objets – 80% de leur clientèle sont des femmes. Se remémorant tous les moments de sa vie où elle aurait aimé avoir de tels défouloirs, l’actrice livre les humiliations et les sacrifices qui ponctuent la vie des femmes, sans jamais se lamenter. Elle a de quoi transférer ses frustrations : en plus des assiettes, elle écrabouille des meringues au marteau. On vous rassure, le public est invité à porter des lunettes de protections. 

 

Amours toxiques 

 

Pantalon aux chevilles, un homme titube avant de se vautrer dans le public qui l’aide à se dévêtir. Bientôt, il revient sur scène et enchaîne avec un salto, qu’il rate à moitié. Entre ça et les portés bancals, Nanda Suc et Frédérico Robledo jouent aux mauvais circassiens – affirmant du même coup la maîtrise de leurs gestes. Lui incarne l’imbécile heureux ; elle, l’amoureuse tortionnaire qui exploite son compagnon et le transforme volontiers en piédestal – littéralement à quatre pattes. Le duo se tire dans les jambes, au propre comme au figuré, dans une pièce qui interroge les limites du couple normé et la toxicité de tout un chacun. Tout au long de la pièce, une tombe en arrière-plan préfigure leur fin – plus comique que tragique. 

 

Dans un registre beaucoup plus charnel, trois athlètes, montagnes de muscles à moitié nus, incarnent un trio en pleine exploration sexuelle. Armour, contraction d’armure et d’amour, sait titiller où il faut. Dans le public, la tension est à son comble quand les performeurs exécutent un porté en se tenant par le sexe. Les corps massifs de ces haltérophiles en maillot fusionnent dans des figures complexes, se jouant des frontières entre tendresse et violence, sensualité et lutte à mort, rapport consenti et rapport de force : un concentré de masculinité en mutation. 

 

Cette année encore, à Lausanne, les grands thèmes sociétaux traversaient la programmation, au service de la qualité artistique. Dans les gradins, debout, assis par terre, le public habite tous les espaces exploitables, dans un festival gratuit où les jauges sont vites pleines, et c’est ce débordement hors de la scène qui donne toute son intensité au festival de la Cité. 

 


 

Le Festival de la Cité-Lausanne s'est tenu du 1er au 6 juillet 2025 

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