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Nous sommes dans les années 1970. Ni l’Intelligence Artificielle, ni Internet n’existent. Apple en est encore à l’« Apple II », un gros boîtier en plastique crème, ancêtre du MacBook. Pourtant, une poignée d’artistes suédois se pressent déjà d’intégrer la moindre innovation technologique à leurs travaux. L’Institut suédois en avait réuni certains avec son exposition Artiste et Ordinateur en 1979, dont Lars-Gunnar Bodin précurseur de l’ambient/expérimental – devenu la spécialité des territoires nordiques.  Un autre toqué d’électronique était invité dans le centre culturel. Ingénieur en radio pour la marine marchande, Lars Fredrikson réinvestit son bagage scientifique dans une œuvre pluri-média obsédée par les signaux électroniques, dont cette télé cubique bidouillée pour y faire crépiter des étincelles bleues qui jouent sur notre persistance rétinienne. Sur écran comme sur papier, un motif récurrent : des points reliés par des lignes, sorte de carte du ciel étoilé. 45 ans après l’avoir exposé une première fois, l’Institut suédois rend un nouvel hommage à Lars Fredrikson. Le travail d’un homme qui a voulu intercepter des conversations interstellaires ou des chuchotements d’extraterrestres.



Courtesy Lars Fredrikson Estate & Galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Grand Paris




Langage d’étoiles 


La pièce est plongée dans le noir. Un boitier rectangulaire est accroché au mur. À l’intérieur, des faisceaux lumineux circulent et tracent des schémas aléatoires. On peine à m’expliquer le mécanisme qui les active et ce n’est pas plus mal : le mystère reste entier. Toute sa vie, Lars Fredrikson a fait ses propres bricolages : synthétiseurs, oscillateurs, bandes magnétiques… sa pratique passe autant par la fabrication de machines que d’œuvres.



Lars Fredrikson, Voyez-Vous, vue de l’exposition Suivre les ondes © Vinciane Lebrun



Difficile d’imaginer en regardant cette sculpture hypnotisante que Lars Fredrikson a commencé en faisant sauter des explosifs sur une plage. Une violence qui lui venait peut-être de son premier métier, chercheur pour l’armée suédoise. Pour le reste, ses travaux vont vers l’apaisement. Dans la pièce suivante, à laquelle on parvient après avoir traversé le hall de l’Institut suédois – hôtel particulier du XVIe siècle –, ce sont d’immenses plaques en inox qui nous renvoient un reflet déformé. Les panneaux sont poinçonnés et striés avec un motif qui rappelle l’œuvre précédente : point-ligne-point-ligne. Du morse ? Lars Fredrikson met au point un langage à peine sensible, aux confins de l’invisible. C’est encore plus explicite avec ses Fax (1975-1985) : des signaux météos (ou radios) captés et imprimés sur papiers photosensibles qui produisent des images, souvent abstraites. Les feuilles sont rayées comme si l’imprimante s’était affolée. Parfois, on décèle des formes figuratives : sur un de ces fax, on devine les méridiens déformés d’un planisphère écrasé en 2D. Avant nos communications rapides, Lars Fredrikson voulait capter le bavardage virtuel, la bande passante, le flux continu… et l’incarner en image.



Courtesy Lars Fredrikson Estate & Galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Grand Paris



Sa démarche s’achève par un retour à l’esquisse, au second étage où, sous les vieilles poutres du centre culturel, on découvre deux aquarelles. Quand il ne passe pas par des machines, l’artiste reproduit encore la même forme, celle des pulsions électriques. Précurseur dans l’électro-acoustique comme dans les arts visuels, Lars Fredrikson est le fruit d’une époque optimiste sur les progrès de la technologie. Il l’utilisait pour ses propriétés esthétiques plutôt que pour produire un métadiscours sur la technologie elle-même – comme beaucoup d’artistes numériques actuels. Reste qu’on est tenté de se demander ce qu’il aurait fait s’il avait eu Midjourney entre les mains…




Suivre les Ondes jusqu’au 16 juin à l’Institut suédois, Paris

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