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De nombreux établissements subissent des déficits intenables, consécutifs à la hausse des prix de l’énergie, à l’inflation des matériaux et consommables, et à la non compensation financière du dégel du point d’indice des agent·es de la fonction publique. L’ESAD Valenciennes est menacée de fermeture sous deux ans. L’ÉESI Angoulême-Poitiers est menacée par la suppression d'une quinzaine de postes qui entrainerait une refonte pédagogique des deux sites contre la volonté des équipes. Dans de nombreuses écoles, une dégradation dramatique des conditions d’études et de travail est en cours, que ce soit à l’EBABX à Bordeaux, l’EESAB Brest-Lorient-Quimper-Rennes, l'ENSBA à Lyon, l'ESAAIX, l'ESAD des Pyrénées Pau-Tarbes, l'ESAD Tours Angers Le Mans ou encore l’IsdaT à Toulouse – pour ne citer qu’une partie d'entre elles. Alors que les écoles "nationales" (sous tutelle du Ministère de la Culture) ont vu leurs surcoûts énergétiques et salariaux compensés par l’État — sans être exemptes de problèmes pour autant —, les écoles "territoriales" (sous tutelles conjointes de l'État et des collectivités locales) ont, elles, été exclues des dispositifs de soutien. Les unes et les autres délivrent pourtant les mêmes cursus et diplômes.


En réponse à cette crise, et alors même que les frais d'inscriptions augmentent, que les études sont de plus en plus coûteuses, que la souffrance au travail s’accroît dangereusement, en particulier parmi les équipes administratives et techniques, les écoles d’art et design sont frappées par une cure d'austérité : annulation de workshops, d’invitations extérieures et de voyages d'études, manque d’entretien des bâtiments, absence de matériel et d’investissements techniques, heures supplémentaires non-rémunérées, arrêts maladie non remplacés, non-renouvèlement de postes. Parce qu’elles représentent un pansement précaire posé sur des dysfonctionnements bien plus profonds et qu'elles les aggravent, nous ne pouvons nous accommoder de ces mesures. Celles-ci apparaissent comme les symptômes d’un changement de modèle, menant à une libéralisation et, en réalité, à une destruction du service public, déjà constaté dans les universités et bien d'autres secteurs. Face à cette situation, les solutions avancées par les pouvoirs publics relèvent ainsi le plus souvent de la création de "ressources propres" par le développements d'activités connexes qui ne sont pas au cœur des écoles et qui s'appuient sur des ressources humaines insuffisantes, ainsi que de logiques de privatisation : location d’espaces, mécénat d’entreprise, partenariats publicitaires. Ces choix font craindre le pire pour nos écoles, au profit d'établissements privés qui ont tout à gagner de la dégradation des écoles publiques.


Cette crise conjoncturelle rend plus visibles que jamais des difficultés structurelles bien plus anciennes, clairement identifiées tant par les organisations syndicales et les collectifs que par les pouvoirs publics (rapports de la cour des comptes, du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, du Sénat et de l'Assemblée nationale) sans que ces constats n’entrainent la moindre réforme concrète : inadaptation à nos formations du processus de Bologne (harmonisation de l'enseignement supérieur à l'échelle européenne), coûts de fonctionnement non anticipés lors de la transformation des écoles "territoriales" en EPCC il y a plus de 10 ans, différences de statuts des enseignant·es et de l'ensemble des personnels entre écoles "territoriales" et "nationales", inégalités parmi les étudiant·es qui ne bénéficient pas des mêmes garanties que dans les établissements relevant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Tant sur le plan structurel que conjoncturel, nous estimons qu’aucune issue satisfaisante n’est possible sans un réengagement majeur de l’État dans l’ensemble des établissements publics d’enseignement supérieur artistique, quels que soient leurs statuts. Si les collectivités ne sont pas exemptes de responsabilités, elles sont toutefois asphyxiées par la crise économique et semblent en incapacité de s’engager davantage. L'État, en particulier le Ministère de la Culture, qui a enregistré en 2023 une hausse de 527 millions d’euros de son budget, est lui en pleine capacité de répondre à nos besoins — chiffrables en centaines de milliers d'euros dans la plupart des établissements —, si tant est qu’il en ait la volonté politique.


Nous voulons ici réaffirmer le sens, la valeur et la nécessité d’un service public de l'enseignement artistique de qualité et accessible à tous·tes en rappelant combien les filières artistiques, véritables formations d’accueil pour les étudiant·es boursier·es, représentent un puissant levier d’émancipation sociale et intellectuelle. Face aux transformations fondamentales qui remodèlent la société, face à la place grandissante de l’enseignement privé et au creusement des inégalités économiques et culturelles, l’existence de la formation publique et son maillage territorial ne doivent être l’objet d’aucune remise en question.


D'une façon inédite, une quarantaine d’écoles d'art et design sont aujourd’hui bloquées, occupées ou mobilisées sous diverses formes, soit la quasi-totalité du réseau public d’enseignement supérieur artistique. Après deux journées de mobilisation nationale les 18 janvier et 13 mars, et avant un rendez-vous crucial avec le Ministère de la Culture le mardi 28 mars, l’inter-organisations « Écoles d’art et design en lutte » appelle à l’amplification du mouvement et au durcissement des moyens d’action si les décisions annoncées n’étaient pas à la hauteur à la fois de l’urgence de la situation et de son caractère profond.




L’inter-organisation « Écoles d’art et design en lutte » — CGT-SELA 31, Économie Solidaire de l'art, La Buse, Le Massicot, Les Mots de Trop, SNAPcgt, Snéad-CGT, STAA CNT-SO, Sud Collectivités territoriales

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