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Seule face au public, une expression de poupée hébétée au visage, Maëlle Gozlan nous fait retenir quelques vers. Tables et chaises sont disposées à même le plateau, ne laissant, en guise de scène, qu’un tout petit espace entre les premier.e.s spectateur.ices et le mur du fond habillé d’un rideau noir. Cabaret Brouillon s’ouvre donc sur un poème, donnant le ton d’une suite de numéros aussi incongrus qu’incontrôlés, tenus par six interprètes inspiré.e.s. Parlés, chantés, dansés ou parfois tout ça en même temps, les actes s’enchaînent et ne se ressemblent pas, laissant apparaître des figures grotesques qui jouent constamment avec les décalages et les clichés dans une atmosphère kitsch et homemade


Ne dérogeant pas à son goût du mineur, Loïc Touzet compose son spectacle autour d’une suite de brouillons et d’esquisses, brisant le quatrième mur pour nous inviter à jouer tous.tes ensemble. Ici pas de démonstration savante mais un amateurisme décomplexé et un humour absurde. On fait comme si, avec très peu ; on fait même des choses qu’on ne sait pas faire. Quelques pas de danse, des ritournelles et des standards pop entamés seul.e.s ou à plusieurs : Cabaret Brouillon ne cherche pas la performance d’exception mais bien à donner la possibilité d’accompagner ses interprètes, de se projeter dans l’imaginaire qu’iels convoquent. Broadway, Bob Fosse, comédies musicales à l’américaine ou expressionnisme allemand : jouant de cette permanence des images, comme des impressions qui teintent la rétine, il active le regard et laisse affleurer l’imaginaire de chacun.e, superposant nos représentations intérieures aux mouvements esquissés par les performeur.euse.s.


Si les cabarets ont longtemps été des lieux de contestation sociale, celui-ci réveille leur dimension subversive tout en douceur, soufflant un vent de fraîcheur et de liberté. En dé-maîtrisant le geste, on se laisse surprendre, déraper, déborder. Et c’est peut-être là qu’est la vraie maîtrise de ce cabaret de travers : à ne pas savoir faire ensemble, c’est la véritable possibilité d’une écoute, d’une confiance mutuelle qui s’établit. Créer en chœur pour mieux atteindre l’autre : une suite de délires partagés, pleine de tendresse.



Cabaret brouillon de Loïc Touzé, le 31 mai dans le cadre de June Events, Atelier de Paris 

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