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Ils sont dix. Dressés sur demi-pointe, ils s’avancent les uns après les autres d’un pas affirmé, accentuant leurs déhanchés et leurs regards, aussi sévères que séducteurs. Avec Maggie the cat, on retrouve l’appétit de Trajal Harrell pour les catwalks. À en lire les notes du programme du festival Impulstanz à Vienne, l’argument de la pièce n’a pas grand-chose à voir avec la mode, mais cela n’a pas trop d’importance. Le chorégraphe a fait du détournement de défilés sa marque de fabrique, ce qui lui vaut une place de choix sur les scènes de danse contemporaine. Il extrait ici Maggie, personnage principal de La chatte sur un toit brûlant, chef d’œuvre que Tennessee Williams écrit en 1955. Mais au lieu de raconter l’histoire d’un couple tourmenté par le suicide d’un ami, le chorégraphe détourne la perspective de la pièce de théâtre composée depuis le point de vue d’une riche famille de Blancs, pour lui préférer celle de ses serviteurs afro-américains, les véritables maîtres de la maison et du show.

 

Robe-édredon

Ce grand catwalk a cela de troublant qu’il n’utilise pas de pièces de mode. Plutôt, les danseurs fabriquent leurs silhouettes avec les objets et tissus domestiques. C’est ainsi que, comme pour nous faire visiter chaque pièce d’une demeure, ils s’emparent tour à tour des nappes rappelant la salle à manger, des serviettes blanches de salle de bain, des édredons et coussins de la chambre. Jupe courte, épaulettes, traine de mariée, top asymétrique, le groupe rivalise d’inventivité pour faire apparaître des volumes et des formes fashion. Mais alors que les danseurs défilent, leurs marches se transforment en danse. Trajal Hrarell sait parfaitement opérer des allers-retours entre le défilé et le Voguing, cette pratique née à New York dans la communauté gay afro-américaine qui s’inspire justement des couvertures du magazine de mode Vogue et des poses de ses mannequins. Déjà, avec la pièce qui l’a fait connaître internationalement, Twenty Looks or Paris in burning at the Judson Church, le chorégraphe faisait se rencontrer le Voguing et la danse post-moderne américaine, sans oublier de parsemer le tout de quelques sessions de défilés pur jus.

 

 

Lignes et brisures

Avec ses lignes tracées sur le sol, ses paravents placés de chaque côté de la scène pour que les danseurs puissent se changer, la ballroom de Trajal Harrell, joue sur les droites et leurs brisures. Les corps des danseurs, sont eux aussi pleins de diagonales : des oppositions entre les hanches et les épaules, des croisés de jambes, et leurs mains qui pulsent un rythme de droite à gauche en virevoltant dans les airs. La musique justement, s’échauffe façon techno rappelant les clubs qui ont vu naître le Voguing ; et parfois déraille ou disparaît comme pour laisser planer une éternelle fragilité. En maîtres de cérémonie, lui en robe volante mariant pas moins de quatre imprimés à fleurs, elle dans une tenue plus simple, pantalon et chemise, le chorégraphe et une danseuse-chanteuse s’extraient du défilé. Les deux performent un petit duo face à face à l’avant-scène, ronronnant au micro les mots « Maggie the cat » sur une mélodie presque enfantine. Tout du long, ce premier volet d’une trilogie de l’artiste américain sur les luttes de personnages féminins, ne montre pas ses griffes. Spectacle euphorisant, Maggie the cat se pavane, ronronne, attends des caresses et se loverait presque sur nos genoux.

 

> Maggie the cat de Trajal Harrell a été présenté les 16 et 18 juillet au festival Impulstanz (jusqu’au 15 août), Vienne

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