Pas de pitié pour le ballet blanc. Soutenus musicalement par le groupe les Trucs, les virtuoses Vânia Rovisco et Márcio Kerber Canaberro forment ici un duo ballerine et ballerin de noir vêtu, comme par esprit de contradiction. Ils sont coiffés de casques de moto, peut-être pour éviter les coups ou ne pas attraper la grosse tête – l’anonymat abolit l’égo et le cabotinage, paraît-il. SI Vânia tient le rôle d’une Black Swan, son partenaire a troqué les chaussons de danse pour des échasses. Porté dans son élan par sa collègue, et après bien des élévations infructueuses, notre Icare finira par maîtriser l’agrès presque aussi bien qu’un berger des Landes. On peut ici penser au duo montréalais de La La La, ou à un numéro de béquilles surréaliste de Grazielle Martinez, mais c’est bien la patte de l’Américaine Meg Stuart que l’on reconnaît, et ce tout le long d’un cycle que lui consacre le Théâtre Garonne.
De tous les duos et solos qu’elle réactive dans cette programmation best of émerge une velléité expressive et théâtrale propre. On la décèle par exemple dans le surplace du tableau interprété par Claire Vivianne Sobottke. La danseuse y alterne gestes brusques et déliés, vifs et relâchés, crispés et alentis, et les ponctue de regards en coin ou en direction du public. Elle jaillit aussi dans la pièce performée par Maria F. Scaroni. Avec la coiffure blonde péroxydée d’un joueur de foot du Bayern des 70s et un pantalon à la Johnny CLegg, la danseuse élargit la gamme gestuelle. Souple, énergique, ses enchaînements sont imprévisibles mais justes. Un solo de batterie plus tard, notre regard se porte sur Márcio Kerber Canaberro, lancé dans un solo de caresses onanistes et de poses photographiques – adressées à un peintre imaginaire ou au spectateur-voyeur.
Claire la brune et Maria la blonde composent le tandem final : wrestleuses ou amazones SM, elles se livrent à un rapide effeuillage dès leur entrée en scène. Leur numéro ne sera qu’enlacements, chamailleries, lutte et embrassades sans jamais déborder dans l’obscène. Leur bouche-à-bouche est celui de grands enfants, l’une secourant l’autre pour lui laisser reprendre son souffle. Une échappée belle leur fera prendre la sortie de secours en tenue d’Ève, mais à cette heure tardive d’après-manif, pas grand monde dans la rue pour les apercevoir.
> Constellation Meg Stuart du 4 au 14 avril au Théâtre Garonne, Toulouse
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