Entrer dans la couleur : face aux peintures monumentales de Mirdidingkingathi Juwarnda Sally Gabori, on aurait presque cette impression. De telles effusions de rouge, de jaune ou de bleu, striées par d’épais cernes noirs, s’entourent d’un mystère qui ne demande qu’à être percé. Pour les Kaiadilt, un des peuples aborigènes d’Australie dont l’artiste fait partie, ces œuvres se lisent comme autant de cartographies de l’île Bentinck dont ils ont été chassés par les missionnaires blancs. De ses 80 ans à sa mort en 2015, Sally Gabori n’a pas cessé de transposer sur la toile les images mentales de son territoire, où surgissent également le souvenir de ses proches et les mythes des origines. Son œil a enregistré, ses gestes ont ressuscité, ses tableaux transmettent, contre un génocide culturel toujours en cours.