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On imagine une époque lointaine, plutôt médiévale, lorsque le moulin incarnait le cœur battant de tous les petits villages et hameaux. Un lieu où s’échangeaient autant le grain et le bétail, que des idées, où l’on était susceptible d’entendre parler de ce qu’il se passait dans la métairie à quelques lieux des terres que l’on habitait, cultivait. Cette manière de prendre le pouls d’une portion de monde germe aujourd’hui à Montreuil, où l’exposition Molinum réintroduit le moulin comme haut lieu de la vie sociale, économique et agricole, mais aussi créative et intellectuelle. Ou comment le fameux « processus de création » se niche en catimini au sein des conversations et lieux du quotidien, à l’endroit où se nouent des intérêts de subsistance aussi divers que le besoin de se nourrir, de se sentir entouré ou encore de refaire le monde avec une personne rencontrée au hasard d’intérêts ou d’habitudes partagés.


Charlotte Nicoli, Pause Club, 2023 © Atelier Find Art


Un lieu d’exposition où l’on est enfermé avec des inconnus, ayant en commun tantôt le fait de se trouver là par hasard, tantôt de souhaiter assouvir sa curiosité artistique ou grossir son capital social, pourrait être le moulin contemporain. C’est en tout cas le parti-pris de Molinum, qui présente des œuvres d’artistes qui moissonnent la ville de Montreuil en y ramassant des objets et des idées attrapés à la volée. Ainsi Juliette Green présente-elle À qui pense-t-on quand on est sur le point de se faire opérer (2023), un ensemble de dessins muraux tendus sur un mur blanc, recensant ce qu’on imagine être un micro trottoir réalisé par l’artiste. Séverine pense à son médecin généraliste, André à sa grand-mère, Abel à sa petite fille de 7 ans… Et si la forme — des dessins enfantins orange et bleu ­— peine à interloquer et interrompre la déambulation du visiteur, elle pose tout de même le cadre d’une exposition dont l’ambition cachée est de réaliser un documentaire sur la ville qui l’accueille.


Zoé Philibert, Café-Escargot, 2023 © Atelier Find Art


De ce désir de faire le portrait d’une ville paradoxale, où les commerces changent, les prix grimpent, l’équilibre entre les classes sociales chancèle, se dégage une fragilité formelle. On croise un isoloir de fortune, une structure métallique précaire évoquant une serre où agonisent des bouquets de fleurs sauvages, un mur recouvert de post-it recueillant les résultats d’une enquête de satisfaction ironique sur tel ou tel autre lieu montreuillois. Encore une fois, il n’est jamais question d’aguicher le regard. L’aspect do it yourself qui émane de la plupart des œuvres, dont l’enquête Pause club (2023) de Charlotte Nicoli, invite aussi le visiteur à une forme de modestie, à garder les pieds sur terre plutôt qu’à se perdre dans des considérations esthétiques. Il s’agirait de réancrer concrètement le lieu d’exposition dans son environnement, ici la ville de Montreuil en hors-champ, pour montrer que, comme autour d’un moulin médiéval, la riche matière du tissu social se trouve dans les échanges les plus anodins, mais non moins vitaux. La pièce Café-escargot (2023) de Zoé Philibert, une installation ressemblant à la fois à un confessionnal et à une imposante machine à café, s’en fait l’écho : une parlote avec un commerçant du coin, un parc qu’on a l’habitude de border sur le chemin du travail, un avis sur telle ou telle infrastructure, le tout constituant le rythme cardiaque d’une ville.


Molinum, de toutes les moissons nouvelles

jusqu’au 28 octobre au Centre Tignous d’art contemporain, Montreuil

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