Les « musiques de niche » : cette secte d’adorateurs ostracisés pour leurs goûts imbitables – qu’ils n’ont pourtant pas choisis, les pauvres. Il y a vingt ans, un festival francilien a fait entrer un peu d’air là-dedans : Sonic Protest. Un élan démocratique rare dans un champ marginal jusqu’à l’os. Par la force de line-ups barrés et d'une politique tarifaire clémente, les exclus de la société fermée de « l’expé » ont pu s’initier à leur tour. Soudain, à Paris (et ailleurs en France, le festival faisant circuler sa prog), remplir des jauges à plusieurs centaines de personnes avec des line-ups inconnus du grand public n’était plus un miracle – souvenons-nous, pêle-mêle, du tyran de la noise Merzbow, de la funambule du drone Ellen Fullman ou du loopeur ambient William Basinski dans une Église Saint-Merri bondée. Et ce n’est là qu’un des nombreux faits d’arme de l’asso d’acharnés qui a tenu à bout de bras les vingt éditions du festival.
Celle-ci jette désormais l’éponge. En cause : une équation galère/plaisir qui penche dans le négatif. On connaît la chanson. À bas les regrets et les notices nécrologiques, voyons le bon côté des choses : un beau travail a été fait et la place est libre. « Faites mieux », comme dirait Méluche.
En attendant, la 20e édition approche et il y a du pain sur la planche. Mouvement a sélectionné pour vous trois maltraitances sonores dans l’abondante programmation de cet ultime festin de l’extrême.
Brainbombs – le 29 mars à l’Échangeur, Bagnolet
« Ajouter l’insulte à l’injure », dit l’expression anglaise – et c’est tout le projet de Brainbombs qui semble résumé. Depuis 1985, le groupe suédois cumule les mandats : un rock hardcore boueux et sans relâche, des morceaux pliés en une prise et des textes immondes répertoriant les pires sévices humains. Meurtre, torture, inceste, nécro-pornographie, mais aussi misogynie, homophobie – you name it. À côté, Dennis Cooper, c’est Marie Pourchet. Une lubie d’incel diriez-vous ? Ou juste un de ces cultes pseudo-transgressifs pour adulescents en mal de frissons ? Serait-ce la même chose ? Qu’importe. Le combo criminel se donne en live à Paris pour la première fois depuis 2008 (dans le cadre de Sonic Protest déjà) et tous les trigger warnings sont au rouge.
Ryoji Ikeda – les 20 et 21 mars à l’Ircam, Paris
Le live-coding vous captive comme des satisfying videos et les glitchs sont de l’ASMR à vos oreilles ? Ryoji Ikeda est sans doute votre gourou. Le Japonais pousse l’esthétique techno-mathématique dans ses retranchements depuis plus de 30 ans, en arts sonores comme en arts plastiques. Ses visuels nous capturent dans les grilles de la data et ses drones nous soumettent à la puissance du laptop. Le plaisir est un peu maso mais viscéral. L’artiste a pourtant composé, à la marge, des pièces pour cymbales ou bouts de papiers. Mais c’est pour ses séances de lobotomie hi-tech que Sonic Protest l’a programmé cette année dans les sous-sols de l’IRCAM. Rendez-vous dans la matrice.
DJ Diaki – le 30 mars à l’Échangeur, Bagnolet
Parce que oui, à Sonic Protest, il arrive aussi d’écouter autre chose que du power-noise devant une table recouverte de boîtiers raccordés par câbles. Dernière édition oblige, le festival soigne ses adieux et promet une clôture épique sur Distomobile, un système son taillé pour le dub. Parmi les dix artistes qui y défilent, l’un s’adresse au dancefloor, une fois n’est pas coutume. Animateur radio à Bamako, DJ Diaki est aussi DJ et chauffeur de salle depuis 1989, quand il jouait encore des K7. Et dans les teufs de village au Mali, on danse à 190 BPM – sur du balani, du singeli et mille autres dérivés sur-pitchés de musique afro. Une boîte à rythme, un micro et Virtual DJ à l’appui, le DJ Malien donnera le coup de grâce à Sonic Protest sous bannière africaine.
--> Sonic Protest du 13 au 30 mars en Île-de-France
du 7 au 30 mars en tournée française
--> Mouvement fait gagner deux places pour la soirée du 15 mars au Générateur, Gentilly ; nous contacter à l'adresse contact@mouvement.in
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