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Les premières sensations sonores nous parviennent des cloches tintant au cou des vaches puis des trains de fret lestés de coupes d’arbres. C’est là, dans cet écrin de verdure situé à 1 000 mètres d’altitude, au cœur du Jura suisse, que se déploie le Spiegelberg Festival. Difficilement prononçable pour les non-germaniques, l’événement (« Spiegel », miroir ; « berg », montagne), tient autant de l’ode à la nature que de la célébration des avant-gardes pop, peu présentes dans les hauteurs. Pop lo-fi, électro atmosphérique, voire expériences plus brutales du côté du free-jazz, du métal, le tout sur fond d’engagement politique : retour sur trois jours en clair-obscur, entre rêveries bucoliques et brusques réveils.



L’Express Régional de tes rêves


Une locomotive d’une autre époque entre en gare. Il faut grimper dedans pour se rendre aux concerts de cet après-midi qui prennent place dans un dépôt ferroviaire abritant des trains anciens – les artistes y ont leur loge pour la journée. Dans ce décor, le temps est à l’arrêt et les traversées sonore au programme le confirment. Avant d’être invités à collaborer par le festival, la Suisse Leoni Leoni et le Canadien Éric Chenaux ne se connaissaient pas. Sur scène, une rencontre lunaire se produit, dont les protagonistes semblent les premiers surpris. La folk planante et les dérives vocales du premier se mêlent à aux effets lo-fi nostalgiques de la seconde. Lunettes noires, robe noire, mélodies noires : au tour de l’Israélienne Ruth Rosenthal de monter sur scène. Des clochettes zens tintinnabulent entre ses doigts pendant que l’autre moitié de la Winter Family, le Français Xavier Klaine, enclenche des accords lourds et ténébreux au clavier. Le duo surprend son monde en reprenant un titre du sulfureux rappeur Freeze Corleone : « Sur la corniche dans les foreigns, sku, sku, sku, menace fantôme pour faire saigner tes oreilles. » Le décalage fait son effet.



Les inclassables


Retour au village. Les pâturages sont derrière nous. C’est dans une vaste halle, historiquement utilisée pour des concours de chevaux, que se déroule le reste de la programmation. Exit la douceur, place aux cris et aux distorsions. Il ne faut pas se fier aux apparences, surtout pas avec le trio français Nout. En t-shirt « GRL PWR », la harpiste se lance en douceur, avant qu’une batterie punk et une flûte électrique perfusée au delay ne la rattrapent. La fièvre monte. Un drapeau de la Palestine en étendard, le Das Schrei Nicht So Orkestra plonge la salle dans une ambiance dystopique. Des roulements tribaux grondent au centre de la salle. Couverte d’un chèche, agenouillée devant ses platines, la moitié du tandem lance des pistes transe. Quatre saxos cachés dans les angles s’élancent à leur tour. L’ensemble est bruyant, cacophonique. Ça joue fort, à la limite de l’audible. À la frontière entre concert et sculpture sonore. Maintenant qu’on arrive à prononcer son nom, on retiendra le Spiegelberg festival comme un repère de musiques dont l’insaisissable est le dénominateur commun. Même les figures « grand public » invitées à se joindre à la fête, telles que Bonnie Banane et sa pop décalée, ou Tschegue et son afropunk, partagent le même état d’esprit : contestataire et avant-gardiste.



Le Spiegelberg Festival s’est tenu du 26 au 28 juin à Saignelégier et Pré-Petitjean (Suisse)

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