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Les artistes contemporains procèdent un peu comme les frères Ripolin immortalisés par l’affichiste Eugène Vavasseur : le premier des trois peintres en bâtiment de la file indienne endosse les inscriptions au pinceau du second et celui-ci celles du dernier, illustrant la notion de mise en abyme – avec un «i » grec à « abîme », naturellement. Ces artistes ne s’autorisent-ils plus le premier degré ? Cette question d’ordre esthétique reste posée. Misia-O’, qui fut formée par l’éminent Royal College of Art, se réfère elle aussi à une autre artiste, laquelle fut sublimée par un photographe (sur)nommé Man Ray –  « l’homme-rayon ». Le polyptique Misia-O’ est composé de six photos en noir et blanc de dimensions 50 par 50 cm, montées sur support Dibond. Ces clichés ont vraisemblablement été pris avec un appareil 6 x 6 rappelant le format du Rolleiflex employé par Lee Miller dans ses reportages du milieu des années trente. Ils exhibent coquettement la marque de la pellicule, l’Ilford XP2 Super, de la même façon que Warhol conservait les traces des masques de couleurs de ses sérigraphies ou les mires et autres amorces de décomptes de ses films en 16 mm.


Avec cette exposition, Misia-O’ inaugure un cycle de portraits de femmes qui, pour avoir été des muses n’en étaient pas moins des artistes. Misia Sert (1872-1950), dont la photographe a repris le prénom, et à laquelle elle consacrera son prochain travail, n’était pas seulement une égérie, une mécène, une mondaine : c’était aussi une musicienne. Blondeur éthérée, physique svelte, suprême photogénie, érotisme distingué immortalisés par Man Ray, Lee Miller fut reporter et photographe, et s’intéressa au Surréalisme, ayant épousé un des rares artistes britanniques de ce mouvement, Roland Penrose. Misia-O’ découvre ses portraits à l’adolescence. Comme tout un chacun, elle fut notamment frappée par les « Masques de feu » des jeunes Anglaises se protégeant des gaz et des éclats d’obus durant la Blitzkrieg, devant un abri souterrain, en 1941. Cherchant à mettre en évidence l’apport artistique de Lee Miller, Misia-O’ estime que c’est elle qui eut l’idée, avant Man Ray, de recourir à la solarisation, technique de Sabatier, déjà pratiquée par les photographes amateurs au XIXe siècle, utilisée par le couple dans un but esthétique. Ces effets graphiques, plastiques, « artistiques » créés avec un procédé mécanique sont à rapprocher des rayographies, des photogrammes, des schadographies et autres photos sans appareil. Avant de voler de ses propres ailes en se séparant de son pygmalion, Lee Miller se les fit couper par Cocteau dans le film Le Sang d’un poète (1930) qui la changea en Vénus de Milo. Contrairement au poète français, elle combattit au moyen de son art l’occupant allemand. Elle témoigna des bombardements de Londres, photographia avec l’armée de libération, accompagnée par le reporter de guerre David E. Scherman, l’appartement d’Hitler à Munich, les camps de concentration et, de retour à Paris, l’atelier de Picasso.


Misia-O’ a admiré l’esprit libre de Lee Miller, autant que son style photographique : « Elle prouve, nous dit-elle, qu’il est tout à fait possible d’allier intelligence, beauté et talent, car elle y est parvenue dans les années 1930 et 40, une époque connue pour ne pas accorder aux femmes artistes le crédit qu’elles méritaient. »


> Misia-O’, The spirit of Lee Miller a été présenté du 21 au 27 septembre à l’Orangerie du Sénat, jardin du Luxembourg et du 21 au 24 septembre à la Galerie Joseph, Paris

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