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Re-enactement des face à face de second tour présidentiel à travers Le Grand Débat, entretien post-mortem avec la scientifique précurseure Anita Conti dans Les Océanographes, ou micro-trottoir parmi les professionnels du funéraire pour  Rituel 5 : l’habileté d’Émilie Rousset et Louise Hémon à faire exister sur scène les énonciateurs dont elles portent les propos n’est plus à prouver. Fidèle à son approche documentaire et fournie d’entretiens, mais cette fois en solo, Émilie Rousset aborde avec Playlist politique l’utilisation de la musique dans l’instauration d’unités symboliques.


On vous parle Coupe du monde de foot, et vous passerez la journée avec Waka waka dans la tête ? Un souvenir de manif et Desire s’invite dans la playlist ? Mais qu’est-ce qui fait qu’une simple chanson devient signe de ralliement ? Au risque d’écorcher quelques croyances envers le tout-pouvoir de la musique, Émilie Rousset mène l’enquête sur ce qui fonde l’adhésion collective autour de quelques accords. Pour ce faire, elle s’appuie sur une poignée d’experts en la matière, Roselyne Bachelot et Angela Merkel en tête.

 


La com’ en marche

 

Le 7 mai 2017, Emmanuel Macron, tout fraîchement installé à la tête de l’État français, célèbre son investiture. Dans une chorégraphie impeccable, il traverse la cour du Louvre au rythme d’un air bien connu, l’Ode à la joie de Beethoven. Tout un symbole, diriez-vous. Mais lequel exactement ? Façon tracker d’écran, Playlist politique suit les investigations menées par Émilie Rousset pour tenter de comprendre comment la neuvième symphonie du compositeur allemand est devenue hymne européen et symbole collectif. Au rythme des ouvertures d’onglets et des mouvements de curseur, le tableau de bord 2.0, projeté sur un écran central, déroule tout un travail d’enquête nourri d’archives publiques ou d’entretiens de première main.

 

Lancés comme des vidéos dans une fenêtre de player multimédia, les intervenants prennent vie en avant-scène, incarnés en un double-clic par Anne Steffens et Manuel Vallade. L’une, en Roselyne Bachelot passionnée au micro de France Musique, nous rappelle que la partition adoptée par le Conseil de l’Europe n’est qu’une version écourtée, simplifiée, et surtout rendue muette pour éviter toute primauté linguistique. Le comble pour un hymne, s’empresse de commenter le musicologue Esteban Buch par la voix du comédien sur le plateau. Par définition, se risque-t-il à rappeler, les hymnes signent précisément l’union par les voix.

 

Dans le débat fictionnel et atemporel que permet la magie du théâtre, s’effrite celle de la musique à mesure que se révèlent les coulisses du marketing de masse. Les entretiens, restitués dans la sobriété apparente d’une conférence ordinaire, sèment autant de rappels historiques que d’outils tout actuels pour décrypter les jeux de com’ des institutions étatiques ou commerciales. Instructif pour sûr, ludique encore par les tics et mimiques des personnages convoqués, Playlist politique opère en manifeste pour une écoute critique. Et nous rappelle surtout, par l’exemple,  que les hymnes véritables resteront ceux qui s’entament en chair et en chœur.


 

> Playlist politique d’Émilie Rousset, du 25 au 7 décembre au Théâtre de la Bastille, Paris, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris ; du 7 au 9 février à Points communs, Cergy-Pontoise, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris 

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