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Aucun théâtre français n’aura autant fait pour Galván que le Théâtre de la Ville qui, depuis douze ans maintenant nous le présente, faisant œuvre au fil du temps, dans des pièces de plus en plus exigeantes, techniquement, physiquement, esthétiquement. Son Sacre, dans la version à deux pianos était déjà, pouvait-on penser à l’époque, le sommet de son art. Depuis, le bailaor a trouvé moyen de nous épater avec sa démo percussive Israel & Israel, découverte à la Maison du Japon et avec son film Maestro de barra (2021)


Jusqu’à récemment, Galván nous offrait tout au plus une vingtaine de minutes de danse par pièce, prenant le temps de souffler tandis qu’un ou plusieurs comparses délayaient – dans les deux sens du mot : celui qui consiste à retarder ou à faire attendre et celui de diluer – la sauce ou la performance. Avec ses 8 solos 8 qui n’en font qu’un, le danseur produit un continuum d’une heure, le temps d’une messe. D’une messe du temps présent. Il entre solennellement, à pas comptés, par la grande porte, tandis que le public l’attend, debout, dans la nef principale. Il est d’autant plus en contrejour que sa silhouette est profilée par la tunique anthracite d’un culte par lui célébré, celui de Terpsichore.


Nous sommes loin des shows d’antan, des farces de carabin, des attractions circassiennes, de la gaudriole, de la bacchanale. Le plus gravement du monde, concentré sur le rite qu’il s’est lui-même imposé, il débute le chemin de croix suggéré par le cadre. Il procède pas à pas, lentement. Il incarne le Pénitent au sens large. Pas seulement celui de la Semaine sainte, le nazareno sans sa cagoule, mais, le Pénitent et le Prêcheur de toute croyance, stylisé par Martha Graham dans deux de ses ballets des années quarante. Ses bottines ferrées blanches et noires cliquettent sur la pierre qui pave l’édifice depuis des lustres, comme les sabots d’un destrier. La danse se réduit au rythme. Le rythme se mue en musique. Galván, comme, jadis, Escudero, danse en silence, tout en rompant celui-ci.


Piété à la Pitié

Son parcours n’est ni semé d’embûches ni celui du combattant. Le danseur parcourt de long en large la chapelle – en une largeur, seulement, celle qui mène à Lassay où se trouve l’orgue de Briel. Ce chemin est ainsi en forme de croix. Il fait trembler les rampes en bois qui facilitent le passage d’une nef à l’autre, secouant l’audience, quitte à rompre contact ou fascination. Au retour, passant par le centre du bâtiment recouvert d’une couche de gravillons comparable à une mini-piste de cirque, Galván nous gratifie d’un solo de danse du sable, à base de « slides » et de « shuffles », inspirés de la tap dance. Cette séquence n’a rien d’improvisé, qui est faite de crissements et de crépitements amplifiés par les micros de Pedro Leon. Elle est une véritable composition électro-acoustique.


Le finale alterne velléité de palillos (castagnettes), cataclysme sonore produit par un taconeo sur quelques planches traînant par là à tout hasard et, surtout, par une routine de danse baroque exécutée les pieds nus accompagnée à l’orgue par le virtuose français Benjamin Alard. Avec ce dernier, Galván a « sélectionné parmi les compositions de Scarlatti certaines [qu’il sent] proches de la sensibilité flamenca ainsi que d’autres, particulièrement rythmées », comme il l’explique dans la feuille de salle. Descendant de son piédestal invisible, l’instrumentiste devient à son tour percussionniste, frappant des paumes des mains sur les pieds du buffet d’orgue.


> 8 solos 8 d’Israel Galván du 6 au 14 septembre à La Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, avec le Théâtre de la Ville

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