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Foire foraine d’art contemporain, CENTQUATRE, Paris, partie 2 : Tsirihaka Harrivel présente ce qui semble à première vue être une installation, quoi qu’elle soit « à activer ». Venant d’un artiste plutôt identifié « cirque » ou « scène » on serait tenté de conclure un peu trop vite à un virage vers une autre pratique. En réalité, (1. You), première attraction du parc Arcade sentimental en cours de construction, s’inscrit bien dans la continuité de ses précédents spectacles. De Grande, créé en 2017 avec Vimala Pons, (1. You) développe et approfondie les pistes conceptuelles, laissées volontairement « à compléter ». De La dimension d’après (solo pensé lui-même comme un « agrandissement zoomé d’un détail de la 28e minute de Grande »), elle prolonge les ressors techniques et l’esthétique faussement aseptisée. Seulement cette fois, celui qui fait le théâtre, c’est vous.


Ce qui aurait dû se passer 

(1.You) prend la forme d’un container transformé en caisson insonorisé. À l’intérieur, dans un univers tout de blanc baigné d’une lumière chirurgicale, un grand miroir et un bouton « play » vous attendent. Une fois le mécanisme enclenché, à vous de suivre les instructions d’une voix légèrement inquiétante, quoi qu’elle vous veuille du bien : se regarder bien en face, répéter après elle, livrer une confession. Et puis : crier. Et puis encore : crier plus fort, pour que quelque chose arrive, et continue à arriver (mais qu’on se gardera bien de dévoiler). Un peu sonné par la puissance de la catharsis, il est déjà temps de ressortir pour vérifier son « score », affiché dans un barème sur un joli petit panneau lumineux. Ça, c’est ce qui aurait dû se passer.

Sauf que j’ai pas réussi à crier.

Dans l'Arcade, personne ne vous entend crier. @ Tout Ça Que Ça

Ce qui s’est passé 

J’aurais pu rester coincée longtemps, et la voix, d’ailleurs, m’avait prévenue. Heureusement, Tsirihaka Harrivel est venu crier à ma place. Et bizarrement, ce qui aurait dû signer l’échec de l’expérience est  venu révéler encore plus clairement sa pertinence.


D’abord, parce que (1.You) a été conçue non pas comme une œuvre participative, mais comme un cadeau : offrir à ceux qui veulent bien s’y risquer un moment à soi, de défouloir peut-être, de vérité surtout. La possibilité de se rappeler (et dans ces temps de dépression politique, ce n’est pas inutile) que nos actes et nos cris ont parfois le pouvoir de changer le monde, du moins, la perception qu’on en a. Or, la vérité de ceux qui se regardent avec difficulté dans le miroir, c’est sans doute qu’ils iraient un peu mieux s’ils apprenaient à crier. N’avais-je pas confié quelques minutes avant dans ma « confession », « j’ai tout le temps peur » ? Voilà pour la psychanalyse sauvage.


Et puis parce que tricher, c’est rendre visible les règles du jeu. À savoir que non seulement (1.You) n’est pas une installation mais une pièce de théâtre, mais qu’en plus, cette œuvre cache une leçon fondamentale sur l’art de la représentation. En entrant dans le caisson, j’ai eu la sensation de devenir le personnage principal de La dimension d’après . Ce serait moi, cette fois, qui ferait la pièce. Alors pourquoi l’entrée de Tsirihaka Harrivel n’a-t-elle rien changé à l’équation ? Parce que le plus important, ici, était le miroir.

Il aura fallu ne pas pouvoir crier pour le réaliser. Et se souvenir de quelque chose qu’on oublie trop souvent : ce n’est peut-être pas celui qui parle, bouge ou crie qui fait naître le théâtre, mais bien celui qui regarde.



> Arcade sentimentale (1. You) de Tsirihaka Harrivel, jusqu’au 29 janvier au CENTQUATRE, dans le cadre de la Foire Foraine d’art contemporain ; son spectacle "La Dimension d'Après" jouera également au CENTQUATRE du 12 au 20 février dans le cadre du festival Singulier-e-s. 

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