Le soleil se couche sur le parc Baden Powell de Santarcangelo de Romagna. Une volée de marches et une scène blanche délimitent un espace de jeu dans ce cadre de verdure et d'arbres. Luara Raio, l’une des trois performers, nous accueille en chanson, micro à la main. Sur scène, Catol Teixeira et Auguste de Boursetty s’amusent avec de l'eau dans des seaux. Luara s’adresse alors au public : « à cette heure-là, la lune et le soleil sont tous les deux visibles ». Puis elle demande plusieurs fois : « voulez-vous changer ? Moi oui. »
Ainsi le trio se transforme : tournant les uns autour des autres, piétinant les bords de scène, comme s'ils étaient la lune, le soleil et la terre valsant dans l’univers. Tantôt joyeux, tantôt violents. Parfois l’un d’entre eux est de trop, parfois s’entraident-ils. L'eau revient par petites bouteilles, puis par seaux, puis s’éparpille sur les corps tandis que le rythme s’accélère. Par le chant de Luara, deux thèmes musicaux flottent sur le spectacle : « La Traviata » de Verdi et « Sinnerman » de Nina Simone. Et c’est entre l’invitation à la joie et au plaisir de la première et la recherche de sens de la seconde que navigue Zona de derrama, première création de groupe du Brésilien Catol Teixeira. Dans la pièce, le « changement » est un grand swipe de l'avant-bras. Changer ? Mais quoi ? Le genre, la vie, les relations ? Être le soleil, la lune ou l'eau ? Luara se déshabille en se roulant sur le sol, Catol tourne comme un derviche, Auguste se promène un seau d’eau sur la tête. Entre marée haute et marée basse, les interprètes exposent leur vulnérabilité, leur désir, leur fatigue, leur force : tout à la fois obstinés à rester en relation et s’abandonnant volontiers à l'individualité.
« Derrama » signifie « débordement » en portugais. Une zone où l'on est à la fois dedans et dehors, où l'on mute, où la coupe est pleine, et la révolution aux portes. Mais c'est peut-être toujours à la révolution copernicienne que nous avons affaire : nous croyons encore être au centre de l’univers, avec le soleil qui tourne autour de nous, enracinés et immobiles, alors que c'est nous qui tournons autour du soleil, objets d'une lumière qui nous donne la vie, d'une photosynthèse qui n'est que souffle, osmose, mutation.
Zona de derrama, premier chapitre de Catol Teixeira, a été présenté du 5 au 7 juillet dans le cadre du Festival de Santarcangelo di Romagna (Italie)
⇢ les 3 et 4 octobre aux Subs, Lyon
⇢ Le deuxième chapitre de Zona de derrama, Arrebenteçao - L'écume des vagues, sera présenté le 26 novembre 2024 au Pavillon ADC à Genève.