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Tout commence à la manière d’un film gore un peu arty : une vidéo nous pousse dans l’intérieur rougeoyant d’une bouche noire. Le ton est donné : horrifique. Le FRANK que nous propose Cherish Menzo – en clin d’œil à la fameuse créature de Mary Shelley – est un archétype du monstrueux. C’est cette figure que la chorégraphe néerlandaise mobilise pour clore sa trilogie sur les représentations du corps noir : longtemps, la blanchité a rattaché la noirceur à la monstruosité. Qu’à cela ne tienne : allons donc en rencontrer, des monstres.



L’image inaugurale une fois bien collée au cerveau, le plateau s’éclaire. En son centre, un cube aux parois de plastique translucide, digne de l’antre d’un tueur en série. Quatre personnages en imperméables noir brillant, rappelant à la fois Matrix et L’Inspecteur Gadget, y évoluent. Ces individus rasent les murs, les mains dans les poches. Le temps passe et ils arpentent toujours. Une attente lancinante s’installe, de leur côté comme du nôtre. Jusqu’à ce qu’une performeuse franchisse le seuil de la boîte transparente. Le regard planté dans les yeux d’un spectateur elle lance : « Vous ne pensiez tout de même pas que j’allais rester là-dedans !? »



Frisson garanti, le public se ressaisit. Le chaos prend la main : de l’eau coule du plafond, la musique fout la pression et les performeurs nous apostrophent, grimpent, courent, crient, les yeux exorbités. Personne ne bronche. Manipulé, le cadre de la boite se dégonde et l’espace scénique n’a plus de limite. FRANK n’est pas un spectacle qui se fabrique mais qui se démonte sous nos yeux. L’allégorie monstrueuse elle-même – déjà amplement visitée par la création contemporaine – quitte la focale et laisse place à une déconstruction plus vaste de nos attentes de spectateur. Ainsi, d’une mise en cause du regard blanc sur les identités afro-descendantes, Cherish Menzo opère un décentrement global sur la fabrication du spectacle et de ses formes. Le tout dans une esthétique trash et plastique percutante, de quoi clore en beauté – et dans le vacarme – une trilogie définitive sur les questions identitaires dans les arts.



FRANK de Cherish Menzo a été présenté du 22 au 26 mai dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts au KVS Box, Bruxelles (Belgique)


⇢ les 10 et 11 octobre dans le cadre du festival actoral au Ballet national de Marseille

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