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Quel rapport entre les Pokémons, petits êtres imaginaires et fétiches de la génération 90, et la Révolution française ? L’arbre généalogique, évidemment. À grand renfort d’associations d’idées, souvent inattendues mais toujours défendues, Hortense Belhôte marie en grandes pompes la rigueur de la recherche historique avec son goût pour la scène. Pour Portraits de famille, elle se pare cette fois d’un bodysuit tricolore et autres costumes de coq gonflable pour dresser une histoire des oublié.e.s du grand récit national – des geôles italiennes du XVIIIe à l’arrière-pays normand du XXe. De quoi faire perdre le nord aux amateur.ice.s de fleurs de Lys et de commémorations nationales.


Plus que la visite dominicale au Château de Versailles ou le financement des sites patrimoniaux en déclin, la vulgarisation historienne fait office de poule aux œufs d’or pour les blockbusters et arrière-plans de jeux vidéo. Qu’à cela ne tienne, Hortense Belhôte dans son propre rôle investit pixels et effets spéciaux pour dérouler une frise bien à elle. En bonne conférencière, elle manipule développement scientifique et Powerpoint en comic sans ms avec un débit hérité de ses années d’enseignement. Que les traumatisé.e.s de l’école républicaine se rassurent : ici, les dates sont rares, les personnages se comptent sur les doigts d’une main, et on vous passe les détails sur les actualités du champ de bataille. Contre la logique des troncs communs, Portraits de famille cultive les arborescences de généalogie ou d’idées. Notre meneuse de revue elle-même se découvre une parenté avec Charlemagne ou le ministre des Colonies, la mise en nourrice du paternel ramène à l’enfance autrichienne de Marie-Antoinette, et les lyrics cabotins de Mylène Farmer à la trajectoire remarquable du chevalier d’Eon, travesti assumé et accessoirement espion de la Cour de France. Tout est vrai, à l’exception des karaokés chantés par les portraits sur toile.


Au fil des associations les plus farfelues, Hortense Belhôte déroule à un rythme sportif une construction rigoureuse et richement documentée par des archives piochées tant dans les banques d’images libres de droit que dans l’ordi familial, le tout ponctué d’éclairages historiques pédagogues et efficaces. Capsules rafraîchissantes et pleinement incarnées, ces Portraits de famille sont l’antidote imparable aux leçons magistrales et aux exposés-fleuves, formes imposées du savoir. Elles tombent cependant dans une zone floue selon leur public d’adresse : il s’agira peut-être d’une récréation bienvenue pour les amateurs d’Histoire de France, mais quiconque ne maîtrisant pas préalablement une esquisse de contexte historique n’en récoltera peut-être pas les enseignements d’une véritable vulgarisation. Qu’importe : le plaisir, la fantaisie et la douce subversion sont, eux, bien réels, quel que soit le profil du spectateur.  


> Portraits de famille : Les oublié.e.s de la révolution d’Hortense Belhôte, du 6 au 26 mai au Théâtre de l’Atelier, Paris ; le 7 juillet au 4bis, Rennes, dans le cadre du festival Tombées de la nuit

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